Après près d’un mois sur les routes, me voici enfin mûr pour écrire quelques lignes sur la conduite à Constantine. Grâce à la vieille Partner prêtées par les jésuites, je commence à maîtriser le plan de la ville et de ses banlieues, ses codes de conduites, ses nids de poules et ses raccourcis (et ce malgré les changements réguliers de trajets occasionnés par les multiples travaux de la ville).
Mais revenons-en à la « conduite ». Passées les craintes des premiers instants au volant, on adopte vite les coutumes du plus grand nombre (même si j’ai encore un peu de marge sur certains aspects): clignotants optionnels, « doublage » par la droite, brusques crochets pour éviter un trou, stationnement en tout lieu, marche arrière sur la rocade, prises des sens interdits en période creuse, triple ou quadruple file sur une route qui n’en contient que 2. Sur l’autoroute, les voies d’arrêt d’urgence servent à plein de choses : vendeurs en tout genre, faire sa prière, demander sa route…
Le maître mot est d’avoir de bons réflexes. Mais avec un peu de pratique, je ne m’aventurerais pas à dire qu’il est plus difficile de conduire à Constantine qu’à Paris.
Au début (et encore un peu parfois), j’avoue que j’étais très énervé par ceux qui se croient plus importants que les autres et qui doublent sans scrupule dans les embouteillages, allant jusqu’à bloquer la voix d’en face. Mais maintenant, je suis plus sensible à la dextérité de ceux qui font disparaître, comme par enchantement, des nœuds routiers qu’il faudrait des heures à résoudre. Les algériens ont cette capacité de sortir joyeusement de leur voiture pour faire la circulation. Il ne faut pas compter sur les policiers, plus souvent présents pour le décor ou pour remplacer la tentative de feux rouges abandonnée depuis longtemps.
Comme chacun sait, les algériens ont le sang chaud. Il est donc fréquent d’en voir 2 s’engueuler depuis leur volant respectif, quand ils ne quittent pas leur siège (bloquant la circulation au passage) pour aller au contact. Mais là encore, il y a toujours des bonnes âmes dans les parages pour calmer les ardeurs (sans parler des curieux). J’ai vu un certain nombre (pour ne pas dire un nombre certain) d’altercations à Constantine, mais je ne me souviens pas d’une seule où les coups aient atteint leur cible (il faut dire que j’ai tendance à éviter ce genre de situation…).
Comme on me l’a dit à mes débuts sur la route, les algériens sont partagés entre le désir de montrer qu’ils sont les plus forts (tout est bon pour passer devant, forcer le passage, arriver avant les autres) et la courtoisie. Le même peut forcer le passage et laisser passer avec un grand sourire. Les sourires et gestes de remerciement font d’ailleurs presque partie du code de la route.
IMGP8543                IMGP8550  Et comment ne pas parler du stationnement. Là encore, au début j’étais franchement énervé par tous ces jeunes qui s’autoproclame « parkingeur » et qui vous rackette pour ne pas abimer votre voiture (c’est un peu caricatural, mais il y a du vrai). Après un peu de pratique, j’ai découvert que la plupart sont très sympas par ailleurs. Et malgré un tarif plus ou moins fixe, on peut négocier ou prétexter ne pas avoir de monnaie. La raison économique qui se cache derrière tout ça est que la police préfère qu’ils gagnent un peu d’argent en faisant le parking, plutôt qu’ils tiennent le mur et finissent par faire des bêtises.

Pour finir, je tiens à rendre hommage à tous ces algériens, jeunes et vieux, actifs et inactifs qui sont toujours prêts à donner un coup de main pour les manœuvres. Où que j’aille, je sais que si mon créneau est mal parti, quelqu’un viendra spontanément pour m’aider à me garer au mieux, dans le respect de ma carrosserie et de celles des autres. Et là, pour le coup, c’est complètement gratuit : ce n’est ni pour demander de l’argent, ni pour protéger leur voiture, ni même pour entrer en relation. C’est simplement pour l’amour de l’art !
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