الاثنين، مارس 20

DOSSIER DES DISPARUS

Rassemblement devant le palais du gouvernementLa colère des familles victimes du terrorismeIls ont honoré, hier, le rendez-vous pris dimanche dernier devant le Palais du gouvernement, à Alger, en dépit du dispositif de sécurité imposant déployé autour du jet d’eau.Beaucoup de tension et de moments forts ont marqué ce deuxième rassemblement contre la libération massive des terroristes. Hissant des portraits de leurs proches, enfants, maris, pères et mères assassinés par les groupes islamistes armés, les manifestants, surtout des femmes, ont scandé pendant plus de deux heures des slogans hostiles au gouvernement, mais aussi aux terroristes. « Dawla irhabiya » (Etat terroriste), « Adala naima, oul hogra kaina » (la justice sommeille et l’oppression se répand), « AIS, terroriste Bouteflika complice », « Kataline dabahine ikoulou moudjahidine » (tueurs, égorgeurs et se disent des moudjahidine), « Pouvoir assassin », « Oulach smah oulach » (il n’y aura pas de pardon), « Terroristes vous êtes, terroristes vous resterez » sont les quelques phrases fredonnées tout au long de cette manifestation, encadrée par de nombreux policiers en tenue pour éviter un débordement sur la chaussée. Des larmes, des youyous et parfois des cris hystériques de douleur entrecoupent ces slogans. Certaines femmes, notamment les plus âgées ou les plus malades, s’évanouissent. C’est le cas de Mme Zanoun, mère de la jeune Amel, égorgée sur la route de Sidi Moussa. « Regardez la photo de cette belle jeune fille. Sa tête a été accrochée à un poteau électrique. Comment pourrais-je pardonner à ses bourreaux ? », lance-t-elle aux policiers. Mohamed exhibe son ventre et ses deux jambes pour montrer ses cicatrices. « Qu’ai-je fait moi pour mériter toutes ces blessures ? J’étais au marché de Birkhadem lorsqu’une bombe a explosé et m’a plongé dans un coma profond pendant 15 jours. Je ne peux pardonner à ceux qui ont actionné cette bombe. Je veux qu’ils paient pour les crimes qu’ils ont commis. Cette charte est un costume fait sur mesure pour les terroristes », dit-il aux nombreux journalistes présents sur les lieux. Un sexagénaire s’approche de lui. « Regarde, moi aussi j’ai reçu deux balles en plein visage à Beni Messous. Je n’ai pas voté pour le pardon des terroristes et aujourd’hui je veux que ceux qui ont brisé ma vie soient jugés et condamnés. » Ahmed, la cinquantaine, n’arrive pas à se calmer. Il angoisse depuis le début des libérations des terroristes. Il affirme que, tous les jours, il pointe devant Serkadji pour voir si ceux qui ont tué son fils à coups de hache, dans son quartier à La Casbah, sont libérés. « Moi, je ne crois en rien. Depuis que mon fils a été tué sous mes yeux, la flamme de sa mort ne s’est jamais éteinte et ne s’éteindra qu’une fois ses bourreaux seront morts. Le jour où je les croiserais, je vengerais mon fils. Nous sommes face à un pouvoir qui ne croit qu’au langage de la violence. Il ne croit pas aux manifestations. Vous pouvez rester ici toute la journée et même des mois, et vous n’aurez rien. Vengez vos morts puisque la justice ne vous a pas été rendue... », lance-t-il à l’adresse des manifestants. Un avis que partage le fils du journaliste Ali Boukerbache, assassiné à Dergana, il y a dix ans. « Oui, il faut que la mémoire de nos morts soient préservée. J’ai vu comment mon père a été tué par ces criminels. J’ai moi-même ramassé sa cervelle sur la chaussée. Je ne peux oublier ces moments et ce n’est certainement pas cette charte qui réussira à le faire. De toute façon, tout le monde sait que le peuple n’a pas voté pour cette charte... », note-t-il. En face, un groupe de femmes surprend les policiers en traversant la chaussée pour se mettre par terre, bloquant ainsi la circulation automobile. Les policiers paniquent et commencent à bousculer tout le monde. Des coups de coude mêlés à des bousculades brutales provoquent la colère des manifestants. Les officiers accourent et calment les esprits des uns et des autres. « Allez surveiller Ali Benhadj et Madani Mezrag, ces assassins de nos enfants. Ce sont eux les terroristes et pas nous. Vous êtes en train d’assurer la sécurité de ceux qui ont tué vos collègues, déporté vos familles et brisé vos foyers », crie une veuve d’un policier à l’adresse des anciens collègues de son mari. Malgré l’intransigeance des policiers, les femmes refusent de libérer la route, obligeant les véhicules à couper leurs moteurs pendant une dizaine de minutes. Un cortège officiel s’avance. Il est assailli par les manifestants qui crient sans cesse « Pouvoir assassin ». Le même sort est réservé à un autre véhicule officiel, à bord duquel se trouve un officier supérieur de l’ANP en tenue. « Dawla irhabiya », lancent des femmes à l’approche de la voiture en tapant sur le capot. L’officier, placide, ne réagit pas. Les policiers, et d’un geste brutal, lui ouvrent la voie pour lui permettre de quitter les lieux. Les échanges de propos entre policiers et manifestants se poursuivent pendant une heure, à l’issue de laquelle ils ont décidé de libérer la place, en se donnant rendez-vous dimanche prochain. « Nous viendrons ici tous les dimanches pour hanter les consciences de nos gouvernants et de ceux qui veulent à tout prix piétiner la mémoire de nos morts », déclare Mme Cherifa Kheddar. Elle profite de cette occasion pour annoncer que plusieurs associations de femmes et de victimes du terrorisme se sont entendues pour se rassembler mercredi prochain à la place du 1er Mai, baptisée Karima Benhadj, une jeune policière assassinée par les terroristes à la veille de son mariage, pour commémorer le 12e anniversaire de la marche contre le terrorisme organisée par les femmes le 22 mars (1994) qui avait drainé à l’époque des milliers de personnes dans la rue. Pour l’instant, seules les familles des victimes et quelques associations s’activent à défendre la mémoire de ceux qui se sont sacrifiés en affrontant le terrorisme islamiste. Les partis politiques, notamment les plus proches du combat démocratique, restent à l’écart de ce combat.Salima TlemçaniDOSSIER DES DISPARUSLa vérité des repentis20 mars 2006 - Page : 3C’est un travail douloureux qui se fait au quotidien dans le déchirement.A Meftah, Lakhdaria, Khemis El Khechna, Hamadi et Baraki, les autorités locales commencent à procéder au recensement des victimes de la tragédie nationale. Dans quelques jours, des imprimés détaillés seront remis aux ayants droit ou à leurs familles et le paiement des premières mensualités se fera aussitôt après.Selon un repenti à Hamadi, les services de sécurité locaux commencent à se coordonner avec les services concernés de l’APC, alors que dans d’autres communes d’Alger et sa proche périphérie, les élus locaux contactés ont affirmé qu’ils attendent que les services de la wilaya leur donnent les directives nécessaires pour commencer à prendre attache avec les intéressés.La commission nationale de suivi de l’application de l’ordonnance et des décrets présidentiels portant mise en oeuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale a centralisé au jour du 15 mars toutes les données nécessaires pour entamer son travail et coordonner les actions des APC, APW et services de sécurité concernant les indemnités, les bénéficiaires, leurs familles, le recensement des victimes, des disparus et des familles éprouvées.Dans plusieurs tribunaux d’Alger et de sa proche périphérie, notamment dans les « zones-crise » du croissant de la Mitidja (Attatba, Boufarik, Tabaïnet, Bougara, Larbaâ, Meftah, Khemis El Khechna, les Eucalyptus, Baraki et Cherarba) des repentis, qui ont vu leurs compagnons mourir dans les maquis dans des accrochages, vont témoigner (il en faut deux, Ndlr), en présence des familles de ces derniers. C’est, en fait, un travail douloureux qui va se faire dans le déchirement, mais que la nécessité rend incontournable. Evidemment, plusieurs milliers de disparitions ne seront jamais expliquées ni justifiées, mais au moins le peu de lumière fait sur certains cas d’hommes morts permettra aux familles de faire leur deuil.Les listes des terroristes abattus et dûment identifiés ont été dressées par les services de sécurité concernés et envoyés aux walis afin qu’ils puissent vérifier au niveau local les plaintes, les doléances et les informations données ou demandées par les familles. Dans plusieurs APC du Centre, les élus locaux vont donner des bureaux spéciaux mis à la disposition de cellules de recensement et pour accueillir, sensibiliser et informer les familles.Concernant les islamistes licenciés et non réintégrés dans leurs postes de travail malgré l’existence de plusieurs directives à ce sujet, ceux-ci, dans une grande majorité, préfèrent recevoir une indemnisation globale et se tourner vers une profession libérale.Mais une partie des islamistes que nous avons rencontrés dans deux ou trois communes de la capitale préfèrent réintégrer leur travail, «pour le principe, mais aussi parce que nous occupions des postes bien rémunérés et que nous sommes diplômés».Chemin faisant dans le processus de paix, des interrogations pointent, des omissions se posent et des «oublis» se manifestent. C’est le cas par exemple pour les anciens détenus des camps d’internement du Sud, qui ne figurent nulle part dans la charte.Des partis politiques ont soulevé le problème et Farouk Ksentini s’est chargé de le mettre sur le bureau du président de la République. Cependant, c’est véritablement le dossier des disparus qui va poser le plus de problèmes aussi bien aux autorités qu’aux familles.Si pour un premier temps, des familles dans le besoin acceptent le principe de l’indemnisation (elles sont estimées à 77% de l’ensemble des familles concernées, selon des statistiques faites par Farouk Ksentini), ces mêmes familles peuvent demain réclamer la vérité sur leurs parents.Les enfants, aujourd’hui en bas âge, peuvent tout aussi bien réclamer demain la vérité sur la disparition de leurs parents. C’est en ce sens que le témoignage des repentis est capital, exceptionnel.ais il semble que les islamistes tués dans des accrochages et enterrés dans les maquis ne représentent qu’une petite partie du dossier. Reste donc le lourd compromis du silence contre l’argent, et l’impossible deuil des familles.

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