الجمعة، مارس 24

dossier

Dernier maillon d’une filière devenue commerciale
La librairie, un commercepour une marchandise appelée livre
Jeudi 23 mars 2006
Par
Hassen Gherab
La librairie est pour le livre ce qu’est la scène pour une pièce théâtrale, un écran pour un film… ou un présentoir pour produits de consommation. Cette dernière image est celle du livre quand il est rabaissé au rang de vulgaire marchandise. C’est aussi l’image de nos librairies qui sont, dans leur majorité, plus proches du présentoir que de la scène ou de l’écran. Il est vrai qu’il y a des éditions nationales, privées et publiques, produisant de modestes fournées -on est encore loin des productions qui nous vaudraient une Rentrée littéraire- ne demandant qu’à être écoulées. Il y a aussi des importateurs qui, eux, ont des approvisionnements bien plus importants, en quantité s’entend.Pourtant, sauf à l’occasion de quelque vente-dédicace pour laquelle auteur, éditeur et libraire font jouer leurs relations et battraient le rappel de tous les copains, les librairies demeurent des espaces désespérément vides, ou presque. Les raisons ? Elles sont multiples, mais ont toutes la même origine : le statut et la place du livre au sein de la société et du système. Déjà, bien avant la scolarité, à l’âge de tous les apprentissages, les parents ne cultivent pas l’envie de lire chez leurs enfants, envie que, du reste, eux-mêmes n’ont plus. La suite ne sera pas meilleure. La politique du livre, ou plutôt son absence, a eu pour conséquence la disqualification du livre à tous les niveaux, en premier lieu à l’école d’où il a été exclu. Le désengagement, du jour au lendemain, de l’Etat a débouché sur une déstructuration du pseudo marché du livre et de la filière éditoriale. Le refus des aides, soutiens et mesures incitatives à ce secteur alors que d’autres en bénéficient largement, a ouvert la voie à tous les investisseurs, au sens commercial du terme. Ainsi, le livre est dépouillé de sa valeur spirituelle, éducative, culturelle… pour se trouver affublé d’une nouvelle valeur, celle marchande. Il devient une vulgaire marchandise qu’on négocie, au plus bas cours, pour la vendre au prix fort. C’est le règne des importateurs qui achètent «les hirondelles» (retour d’édition) au pilori (cimetière des livres) et les queues d’édition (livres de moindre qualité, destinés à l’exportation), à bas prix, pour les revendre, après paiement des taxes douanières, avec une confortable marge bénéficiaire. Au final, le livre arrive, avec un prix assommant à la librairie, d’autant qu’elle aussi a dû prendre son petit bénéfice. Face à cette concurrence, les éditeurs n’ont guère d’autre choix que de miser sur des valeurs sûres. Les nouveaux talents sont obligés de publier à compte d’auteur et de démarcher les libraires pour des dépôts-ventes. Comme l’édition, la librairie est devenue, par la force des choses, un commerce vendant une marchandise appelée livre.
H. G.
Une lumière sous l’éteignoir
Jeudi 23 mars 2006
Par
Hassen Gherab
En 1878, soit 128 ans avant notre ère de haute technologie, Victor Hugo, s’exprimant à l’ouverture du Congrès littéraire international, avait déclaré : «Le livre, produit de l’imprimerie, appartient à l’industrie et détermine, sous toutes ses formes, un vaste mouvement commercial ; il se vend et s’achète ; il est une propriété, valeur créée et non acquise, richesse ajoutée par l’écrivain à la richesse nationale et, certes, à tous les points de vue, la plus incontestable des propriétés […]. La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. Qui que vous soyez qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, mettez des livres partout ; enseignez, montrez, démontrez ; multipliez les écoles ; les écoles sont les points lumineux de la civilisation.»On l’écouta alors. Et le résultat sera le rayonnement civilisationnel prédit par le penseur philosophe. Hélas, les temps modernes, mettant à contribution l’amnésie collective, amputeront la recommandation pour ne garder que l’idée du livre qui se vend et s’achète, l’argument d’un monde régi par la loi de l’offre et de la demande, du coût et du bénéfice. L’Algérie, s’ouvrant à ce monde, ne tardera pas à se mettre au diapason.Dès lors, le livre devient une marchandise qui, au même titre que toute autre marchandise, sera soumise aux lois de la commercialité. Ainsi, tous les segments de la filière éditoriale intègrent la valeur marchande. Le dernier maillon, la libraire, n’aura d’autre choix que de s’y plier. Les librairies deviennent des commerces qui ne voient dans le livre qu’un produit à écouler. Le meilleur livre sera donc celui qui se vendra le mieux, le best-seller.Evidemment, les libraires, les vrais, sont, après les lecteurs, les premiers à souffrir ce martyre qui les a fait bourreaux de leur propre métier, leur raison d’être. Ils ne cessent de le clamer sur tous les toits et de demander qui des responsables voudrait bien, non plus les écouter, mais faire un peu de ménage dans la filière et quelque chose pour redonner au livre son statut, sa place et sa valeur, tel que défini, il y a 128 ans. Ils demandent aux pouvoirs publics de rendre à la librairie son rôle de vitrine du livre et d’exonérer ce dernier «des différentes taxes, particulièrement la taxe douanière, parce que taxer un livre, c’est comme dire aux gens : Ne lisez pas !» dira à juste titre un libraire.
H. G

Dernier maillon d’une filière devenue commerciale
La librairie, un commercepour une marchandise appelée livre
Jeudi 23 mars 2006
Par
Hassen Gherab
La librairie est pour le livre ce qu’est la scène pour une pièce théâtrale, un écran pour un film… ou un présentoir pour produits de consommation. Cette dernière image est celle du livre quand il est rabaissé au rang de vulgaire marchandise. C’est aussi l’image de nos librairies qui sont, dans leur majorité, plus proches du présentoir que de la scène ou de l’écran. Il est vrai qu’il y a des éditions nationales, privées et publiques, produisant de modestes fournées -on est encore loin des productions qui nous vaudraient une Rentrée littéraire- ne demandant qu’à être écoulées. Il y a aussi des importateurs qui, eux, ont des approvisionnements bien plus importants, en quantité s’entend.Pourtant, sauf à l’occasion de quelque vente-dédicace pour laquelle auteur, éditeur et libraire font jouer leurs relations et battraient le rappel de tous les copains, les librairies demeurent des espaces désespérément vides, ou presque. Les raisons ? Elles sont multiples, mais ont toutes la même origine : le statut et la place du livre au sein de la société et du système. Déjà, bien avant la scolarité, à l’âge de tous les apprentissages, les parents ne cultivent pas l’envie de lire chez leurs enfants, envie que, du reste, eux-mêmes n’ont plus. La suite ne sera pas meilleure. La politique du livre, ou plutôt son absence, a eu pour conséquence la disqualification du livre à tous les niveaux, en premier lieu à l’école d’où il a été exclu. Le désengagement, du jour au lendemain, de l’Etat a débouché sur une déstructuration du pseudo marché du livre et de la filière éditoriale. Le refus des aides, soutiens et mesures incitatives à ce secteur alors que d’autres en bénéficient largement, a ouvert la voie à tous les investisseurs, au sens commercial du terme. Ainsi, le livre est dépouillé de sa valeur spirituelle, éducative, culturelle… pour se trouver affublé d’une nouvelle valeur, celle marchande. Il devient une vulgaire marchandise qu’on négocie, au plus bas cours, pour la vendre au prix fort. C’est le règne des importateurs qui achètent «les hirondelles» (retour d’édition) au pilori (cimetière des livres) et les queues d’édition (livres de moindre qualité, destinés à l’exportation), à bas prix, pour les revendre, après paiement des taxes douanières, avec une confortable marge bénéficiaire. Au final, le livre arrive, avec un prix assommant à la librairie, d’autant qu’elle aussi a dû prendre son petit bénéfice. Face à cette concurrence, les éditeurs n’ont guère d’autre choix que de miser sur des valeurs sûres. Les nouveaux talents sont obligés de publier à compte d’auteur et de démarcher les libraires pour des dépôts-ventes. Comme l’édition, la librairie est devenue, par la force des choses, un commerce vendant une marchandise appelée livre.
H. G

Arret sur image
Le livre, prototype unique
Jeudi 23 mars 2006
Par
Abdou B.
On a beaucoup écrit et parlé de la fonction sociale et culturelle du livre, surtout depuis l’avènement de nouvelles technologies d’impression, de l’Internet et de toutes les formes de reproduction et de piratage qui affectent le livre et, à un moment donné, la multiplication des chaînes de TV. Celles-ci, pensait-on, détourneraient les gens de la lecture au profit de programmes aussitôt consommés, aussitôt oubliés, selon le nombre d’heures consacrées au petit écran, selon les pays et les catégories socioprofessionnelles. Or, l’industrie du livre, car il s’agit bel et bien d’une industrie dans les pays où le système éducatif, de la crèche jusqu’à la fin des études universitaires, et les ambitions culturelles reposent sur l’écrit et sur les espaces publics et privés, où le livre pour tous est disponible.La librairie de quartier, les grandes surfaces, les grands groupes souvent mondialisés, les bibliothèques à travers tout le pays et les bouquinistes constituent des repères, des lieux de connaissance et des passages obligés pour le lycéen, l’étudiant, le chercheur et les amoureux de la lecture et de la découverte. La caractéristique singulière des bouquinistes, eux-mêmes défenseurs artisanaux du livre et de la lecture, est qu’ils ajoutent un «supplément d’âme», une dose de convivialité complice qui permet l’achat et la vente d’œuvres hors commerce, parallèlement au gigantisme des énormes centrales de vente de l’écrit, dans tous les genres et des grands Salons où se croisent l’éditeur, l’écrivain, le lecteur, le responsable politique, le manager, le grossiste et l’expert en communication, etc.Avant d’arriver sur l’étal du bouquiniste, le livre aura connu moult aventures qui auront fait intervenir des regroupements de firmes, l’étude minutieuse et chiffrée de l’impression et de la diffusion, de l’infographie, des structures minimalistes qui sous-traitent toutes les opérations menant du manuscrit jusqu’au lecteur. Le manuscrit original peut avoir plusieurs vies et une foule de compagnons. Un livre qui rencontre un succès mesurable aux rentrées financières peut se transformer en un grand film avec une grande musique : les œuvres de Victor Hugo, Tolstoï, Alexandre Dumas, Forrest Gump (près de 2 millions d’exemplaires du roman vendus après la sortie du film, alors qu’il ne s’était vendu, lors de sa publication, qu’à 9 000 exemplaires…) L’interaction et la rentabilité des industries culturelles ne sont plus à démontrer depuis des décennies et toutes les synergies sont déployées, partout dans le monde, pour susciter et satisfaire des demandes pour les marchés interne et externe. Mais que manque-t-il à l’Algérie pour que le livre soit aussi disponible que le pain, attractif, accessible financièrement pour remplir toutes les fonctions qui sont les siennes dans le monde moderne ? En premier lieu, l’élaboration d’une ambitieuse politique du livre, de son impression, de sa traduction, de sa distribution, de la capitale aux coins les plus reculés, en passant par les réseaux traditionnels jusqu’aux bouquinistes, est la condition absolue. Cette politique peut, si la volonté existe, naître rapidement après un vaste débat démocratique entre les pouvoirs publics (culture, finances, collectivités locales, douanes, droits d’auteur) et les professions dont le livre est une passion (éditeurs, écrivains, bouquinistes, libraires, traducteurs, grandes surfaces, associations d’élèves et de lecteurs, etc.) L’émergence d’un centre algérien du livre donnerait l’instrument réglementaire, régulateur et gestionnaire des aides publiques destinées au livre, à la lecture, à la diffusion, etc. En un mot, il faudrait, tant qu’il y a des hydrocarbures, une industrie intégrée et fédératrice d’une somme de métiers, d’intérêts au service du livre, un prototype à chaque fois unique.
A. B

Fatiha Soal, présidente de l’Association des libraires algériens, déclare :
«Les libraires doivent accéder aux marchés institutionnalisés»
Le libraire est encore considéré en Algérie comme le maillon faible du circuit du livre. Alors qu’il doit assurer un rôle de médiateur entre l’auteur et le lectorat, le libraire n’assure, pour le moment, qu’une fonction purement commerciale. Dans cet entretien, la présidente de l’Association des libraires algériens, Fatiha Soal, revient sur les difficultés que rencontrent les libraires dans leur métier, et propose des solutions pour la revalorisation de la librairie dans notre société afin qu’elle puisse assumer son rôle d’acteur culturel de premier plan
Jeudi 23 mars 2006
La Tribune : Quelle est la véritable place de la librairie dans le marché de l’édition ?
Fatiha Soal : La librairie est un maillon important de la chaîne du livre et est profondément ancrée dans la société. C’est une vitrine de tout ce qui s’édite ici ou ailleurs. A travers ce lieu, le libraire assume le rôle de médiateur qui établit le lien entre l’auteur, le livre et le lecteur. Il oriente également le lecteur dans ses choix de lecture. Bref, le libraire a un rôle culturel, intellectuel, commercial et social à assurer.
Ce rôle est-il entièrement assumé par les libraires algériens ?Malheureusement, non. La librairie est considérée, dans notre société culturelle, comme le maillon faible du circuit du livre. Les librairies sont plus considérées comme des espèces de points de vente que comme de véritables librairies. Le souci actuel de tout libraire est de revaloriser son image pour pouvoir assumer son véritable rôle.
D’où la création de l’Association des libraires algériens…En effet. C’est une association à vocation nationale qui représente tous les libraires répartis sur le territoire national. Son but est d’encourager les libraires à s’unir pour changer l’image de la librairie dans le circuit du livre et ce, en développant le réseau libraire, lui donner des outils modernes de gestion, former des libraires à l’étranger et enfin, en organisant, chaque année, un séminaire de formation avec l’intervention de spécialistes étrangers. Il faut que la librairie algérienne retrouve son cachet professionnel et fasse en sorte que le livre soit disponible non seulement ici, dans la capitale, mais dans tous les réseaux qui puissent exister.
Vous voulez donc que le libraire s’implique davantage…Absolument. Il est important que le libraire participe aux différents Salons de livres, qu’ils soient nationaux ou internationaux. Actuellement, notre association est membre de la commission d’organisation du Salon international du livre d’Alger. Nous avons créé le prix du libraire, que nous décernons, chaque année,aux hommes de lettres qui ont marqué, par leur présence et œuvres, les librairies. Nous avons jusqu’à présent décerné ce prix à Yasmina Khadra, Djamel Amrani, et le dernier à Maysa Bay. Ce prix est en fait une reconnaissance, une gratification donnée par la librairie.
Que proposez-vous comme solutions pour l’épanouissement des librairies algériennes ?Tout d’abord, il faudrait que nos partenaires, éditeurs, importateurs et institutions travaillent davantage avec les libraires, qu’ils prennent conscience de leur statut particulier, leur donnent plus de liberté dans leurs choix de livres, les aident à survivre en faisant baisser les prix d’achat...
C’est-à-dire ?Les libraires n’importent pas directement de l’étranger. Ils s’approvisionnent auprès des éditeurs comme premier fournisseur puis, auprès des importateurs et distributeurs. 80% de ces livres sont importés, achetés soit en dollars auprès des pays arabes, soit en euros auprès des pays francophones. Le problème qui se pose à ce niveau est d’ordre qualitatif et financier. Tout d’abord, le libraire se voit imposer les choix des importateurs et distributeurs. Il remplit son stock en fonction de ce qu’il trouve sur le marché national. Or, le libraire doit être plus offensif pour avoir un poids sur la demande. Pour cela, la seule solution qui s’offre à lui est de faire des commandes spéciales et ponctuelles auprès de ses fournisseurs. Ces commandes doivent être également groupées via les importateurs. Ce qui permettra de baisser les prix.
Vous avez également un grand problème de distribution...Il est vrai que certains ouvrages, spécialisés notamment, ne sont pas disponibles dans certaines librairies. Je pense que la création de centres d’achat peut régler le problème de la circulation du livre, même si le marché de l’édition n’est pas encore assez «mûr» pour cela. La loi des finances a élevé le capital social des entreprises d’importations à deux milliards de centimes. Ce qui est énorme pour le libraire. Par ailleurs, je crois que le libraire doit accéder aux marchés institutionnalisés comme les établissements scolaires et les bibliothèques, pour développer ses propres créneaux. Il n’est pas «normal» que les éditeurs approvisionnent directement ces institutions, sans passer par les librairies. Le livre doit suivre son circuit naturel. Nous avons soumis cette demande au niveau des institutions, dont le ministère de la Culture, pour l’élaboration d’un avant-projet de loi sur le livre et la lecture.
Les libraires se plaignaient, il y a quelques années, de la rareté des lecteurs acheteurs. Est-ce toujours le cas ?Je pense que la librairie est un indicateur à travers lequel on peut mesurer la santé culturelle d’un pays. Il est vrai qu’il y a eu une crise au niveau des librairies par rapport aux bouleversements politiques et écon miques survenus en Algérie, mettant tout le monde en veilleuse. Mais depuis les années 2000, il y a eu du renouveau dans tous les secteurs culturels et artistiques qui a entraîné, entre autres, la réorganisation des Salons du livre et l’élargissement des créneaux de la production, de l’écriture et de la circulation du livre. La librairie est évidemment touchée par ce renouveau. Actuellement, on parle d’une centaine de librairies qui ont été créées ainsi qu’un bon nombre de points de vente de livres à travers le territoire national. Sans oublier le marché informel, bien qu’il ne soit pas très important encore.
F. B

Sétif, la librairie est orientée vers la valeur marchande
Quand le bouquiniste assure la mission du libraire
Jeudi 23 mars 2006
Par
Abdelhalim Benyelles
A Sétif, malgré le nombre considérable de librairies, la tendance reste orientée vers la rente commerciale. Le rapport entretenu avec le livre reste défini par l’aspect financier du métier, dont la vocation première a cédé le pas aux lois économiques, avec la disparition du dernier libraire vers la fin des années 1980, Felous, un homme qui a assumé sa mission au service de la classe intellectuelle durant toute la période post-coloniale. Les animateurs du ciné-club, les hommes de théâtre, les lecteurs de l’ancienne génération, comme on dit, en témoignent.En l’absence de véritable libraire, un bouquiniste offre au public un espace culturel diversifié, où les lecteurs de différentes tranches d’âge et de différentes catégories trouvent avant tout un lieu de convivialité qui répond à leurs goûts et besoins. Le contrat est ainsi établi, parfois malgré la flexibilité de la durée, liée au facteur de disponibilité du livre. Car ailleurs, l’ouvrage s’il est disponible, reste inaccessible, témoignent certains lecteurs. Un tour en ville donne à voir une offre plutôt quantitative du livre parascolaire, religieux ou spécialisé. «Les librairesactuels se substituent à la liberté du lecteur», ce qui est selon le bouquiniste de Sétif, «un véritable hold-up», dans un environnement déjà fragilisé par la passivité des intervenants dans ce domaine. Notre interlocuteur reconnaît à cet égard l’exemple de l’émission de Bernard Pivot en France, dans la vulgarisation de l’écrit et l’orientation du lecteur. Cet écart est aussi imputé aux maisons d’édition, situées loin de la demande du lectorat. Même si ce dernier est présenté comme assez difficile de par son comportement car, dit-on, il juge un produit avant de le connaître. Une étudiante justifie par exemple la difficulté de lire Yasmina Khadra par le contenu de cette forme de littérature dite de l’urgence, une écriture encore méconnue dans le cercle estudiantin. Cette écriture de la douleur, dira-t-elle soutenue par d’autres étudiants, mériterait un support pédagogique initié par les professionnels du livre.Dès lors, il apparaît que le monde du livre à Sétif obéit à la loi du marché, dictée par la politique de la maison d’édition qui, outre cela, n’arrive pas à répondre aux besoins du lecteur par l’entremise du libraire mais a fini par rehausser la mission du bouquiniste dans une conjoncture économique particulière. C’est ainsi que ce cas de figure rejoint celui de la fripe, en ce qu’il représente comme signes de décadence du pouvoir d’achat de la population, selon notre interlocuteur.Si, pour les autres libraires les rapports qu’ils entreprennent avec les maisons d’édition restent basés sur le profit financier en dehors de l’aspect qualitatif du produit, l’approvisionnement du bouquiniste est, lui dépendant de la demande du lecteur, de ses déplacements à l’intérieur du pays et même des voyages à l’étranger. Si pour les premiers, le client se substitue au lecteur, le second, par contre, tout en prenant la défense des lecteurs, déplore le manque de professionnalisme dans le métier, qui, selon lui, devrait profiter d’une prise en charge universitaire conséquente, au même titre que la bibliothéconomie, pour accéder finalement au statut de discipline. «Faire un métier, c’est aussi une réponse économique», argue-t-il.
A. B.

Le livre est devenu une vulgaire marchandise
Librairies en désuétude à Oran
Jeudi 23 mars 2006
Par
Samir Ould Ali
Autant les cafés, fast-foods, boutiques de grandes marques, de téléphonie mobile etc. poussent à la vitesse grand V à Oran, autant l’espace consacré aux livres se réduit dramatiquement, comme peau de chagrin. Désormais, le fait est établi : l’Oran des années 2000 -à l’image de toute l’Algérie, au demeurant- est beaucoup plus préoccupée par le gain facile et rapide que par les vertus de la lecture.Combien de librairies existe-t-il à Oran ? «Le tour est vite fait, répond l’un des rares libraires qui bénéficient encore de quelque crédit auprès d’un certain nombre de lecteurs.Avec la disparition des librairies de l’ex-SNED et la reconversion d’autres en commerces plus rentables, il n’en reste plus que quatre ou cinq dans la capitale de l’Ouest, deuxième ville du pays.» Un état des lieux catastrophique pour une ville dont les responsables affirment œuvrer pour en faire un centre de rayonnement culturel dans tout le bassin méditerranéen. Ce qui n’a pas empêché qu’une librairie, en l’occurrence Arts et Culture, située boulevard Emir Abdelakader, a été récemment transformée… en café, au vu et au su de ces mêmes autorités locales. Ailleurs, avenue de Tripoli par exemple, les responsables d’une petite librairie ont, rentabilité oblige, ajouté la vente de téléphones mobiles. Désormais, plutôt que d’y trouver des livres, on voit des portables occuper une place de choix dans la vitrine de ce commerce, jadis connu pour vendre des manuels et des articles scolaires. «Lorsque j’ai intégré le métier de libraire vers la fin des années soixante-dix, raconte un libraire, Oran foisonnait de ces lieux où les lecteurs pouvaient parcourir à loisir des dizaines de rayonnages où le choix était vaste. Aujourd’hui, il faut beaucoup de courage et d’abnégation pour continuer à exercer ce métier. Car, il faut aussi se rendre à l’évidence que les Algériens ne lisent plus autant. Même l’école n’incite pas à la lecture.» Pour ce libraire au long cours, les clients qui fréquentent encore les librairies sont, en grande majorité, des étudiants ou des chercheurs en quête de documentation, et non plus des mordus de lecture au sens classique du terme. Ceux-ci, du moins ce qu’il en reste, se dirigeraient plutôt vers les quelques bouquinistes qui activent dans une semi-légalité. Eux, non plus, n’ont trouvé aucun terrain d’entente avec les autorités locales pour l’affectation de locaux malgré de multiples promesses. Ne restent désormais pour les lecteurs qu’un nombre restreint de librairies qui comptent vraiment, dont celle de Bensmaïn, à Miramar et El Mamounia, boulevard Front de mer. Celles-ci continuent, en dépit de tous les aléas, d’offrir un choix d’ouvrages, à même de satisfaire plus ou moins les besoins des clients : «Nous sommes toujours fortement dépendants des importateurs, souligne un libraire qui a requis l’anonymat. Importateurs pour lesquels le livre n’est qu’une vulgaire marchandise qui, comme le fer ou le ciment, doit rapporter gros.» Autrement dit, exit les besoins des étudiants, chercheurs ou autres mordus de la lecture, seul compte l’aspect pécuniaire. D’où le fait que les ouvrages sont proposés à des prix très élevés, propres à décourager les plus férus des lecteurs : de 300 ou 600 DA pour les romans (Rééditions piratées de Amin Malouf, par exemple, ou des romans locaux), et jusqu’à 20 000 DA pour des encyclopédies que seules, des entreprises ou instituts de formation pourraient se permettre. Ainsi, les ouvrages proposés sont loin d’être accessibles aux petites bourses. Les auteurs universels, les ouvrages religieux, les livres traitant de l’histoire nationale sont, selon les libraires interrogés, les plus demandés par les clients mais, malheureusement, peu peuvent se les permettre : «Aucun des actants qui interviennent dans le circuit du livre ne joue le jeu, continue notre libraire. Ce qui fait qu’il est bien difficile de satisfaire la demande, en nombre et en qualité, de la clientèle et nous sommes contraints d’afficher des prix élevés. Depuis que l’Etat s’est désengagé, le livre est tombé en désuétude malgré tout ce qu’il apporte de richesses.»«Qui que vous soyez, qui voulez cultiver, vivifier, édifier, attendrir, apaiser, mettez des livres partout», avait conseillé Victor Hugo en 1878, lors de l’ouverture du congrès littéraire international. Plus de cent vingt ans plus tard, la recommandation est toujours d’actualité.
S. O. A

Les livres de littérature n’étant plus cotés
La promotion littéraire délaissée par les libraires
Jeudi 23 mars 2006
Par
Mohamed Ouanezar
Depuis plus de deux décennies déjà, les librairies ne jouent plus leur rôle d’espaces de promotion et de réhabilitation du savoir et de la connaissance dans la capitale de l’Ouest. Cette situation résulte de plusieurs facteurs exogènes et endogènes qui ont fait leur œuvre, durant plusieurs années, au détriment de la vocation de ces espaces. Ainsi, aujourd’hui les librairies qui existent encore ne sont plus que des lieux où l’on vend des livres et autres manuels, sans plus. «C’est fini ce temps où les librairies étaient de vrais temples de la culture et de la connaissance», note Ammi Hamid, un vieux libraire illustre de la place d’Oran. Ce dernier nous confiera qu’«au plus fort de la guerre de libération, des cercles culturels existaient à Oran et activaient de façon prodigieuse. C’est une époque révolue. Bien après l’indépendance, durant les années du défunt Boumediene, les librairies pouvaient se vanter d’être à l’avant-garde de cette vocation», dira-t-il.Plusieurs librairies qui existaient du temps de la France restent encore en activité à Oran malgré les difficultés et les aléas souvent matériels. «A un moment donné, ces librairies étaient confrontées à l’épineux problème de l’approvisionnement, mais aussi à celui de la censure qui était à l’origine de la fuite à l’étranger de plusieurs écrivains engagés», nous rapporte un imprimeur spécialisé dans les livres. Une situation qui a également été à l’origine de la faillite et de la fermeture de plusieurs maisons d’édition, dans la région et dans tout le pays. Certaines librairies d’envergure ont réussi, avec le temps, après des fermetures récurrentes, à remonter la pente et à devenir les incontournables de la ville, comme c’est le cas pour la prestigieuse librairie du Front de mer ou encore celle de Miramar. D’autres librairies sont également présentes sur la scène, comme celles issues des collectifs de la défunte ENAL et commencent, elles aussi, à grignoter du terrain et à s’imposer dans la capitale de l’Ouest.Seulement, les librairies ne font plus dans la promotion littéraire devenue, aujourd’hui, l’apanage des maisons d’édition de la place qui, elles, sont beaucoup plus soucieuses de la promotion commerciale que du souci de susciter la polémique et le débat littéraire. Parmi les livres qui font la joie des libraires, mais aussi des clients, on peut citer les livres religieux suivis par les livres de cuisine et de couture. D’autres livres comme les contes pour enfants, les livres de dessin ainsi que les livres d’initiation à l’informatique ont également le vent en poupe. Les livres de littérature et les romans ne sont plus cotés comme par le passé. L’Internet y est pour quelque chose. Mais pas pour tout…
M. O

Tlemcen : la toile remplace le livre sans le disqualifier
Jeudi 23 mars 2006
Par
Mohamed Medjahdi
Qui se souvient du bon vieux temps à Tlemcen, vous parlera de l’ami intime du tlemcénien, le livre. Dans la poche de chaque intellectuel, ou même d'un lycéen, se trouvait un livre… de poche évidemment. On se documentait en consultant les encyclopédies, les almanachs, les atlas et les livres de référence de la bibliothèque. Aujourd’hui, grâce à la technologie informatique, plus besoin de se déplacer. Il suffit d’un clic de souris, et on est, partout, et là où on le désire, sans devoir feuilleter de volumineux livres ou même des dictionnaires.En effet, Tlemcen qui constituait un champ propice au développement de la science, s’éloigne du livre et l’Internet a envahi les maisons, les administrations, l’université et même les établissements scolaires. Face à cette situation, bon nombre de libraires n’ont pas manqué d’interpeller les concernés pour débattre et faire le point sur le livre, afin de lui rendre sa valeur en tant qu’outil de développement de l’esprit. Certains libraires, que ce soit au niveau de la rue de France, du centre-ville ou de la rue de Parsi, à Tlemcen, signalent que seuls quelques livres sur la sunna ou el fikh sont demandés. Sinon, il est rare de vendre une quelconque édition. «Même les élèves font la recherche par Internet. Je me demande à quoi servent actuellement les ouvrages», déplore un vieux libraire.Cependant, et pour donner plus d’importance au livre, comme le soulignent des intellectuels, il faut développer les compétences de lecture, et cultiver, dès le plus jeune âge, l’envie de lire. «Si l’adage bien connu dit que l’appétit vient en mangeant, il en est de même pour la lecture ; le goût de lire vient en lisant et en développant ses compétences de lecteur», dira un libraire. Un père, quant à lui, ne manquera pas de dire que l’un de nos premiers objectifs devrait être de familiariser les enfants et les écoliers au livre, avec des ouvrages passionnants, de leur apprendre à les utiliser à bon profit et leur inculquer ainsi l’envie de lire. «Car prévenir l’illettrisme à l’école est l’affaire de tous», affirme-t-il.En plus de ses multiples et riches apports, le livre ranime nos cinq sens. A l’évidence, le livre possède l’art de nous séduire et nous aide, qui plus est, à forger notre identité. Il peut exprimer ce qu’on éprouve et nous aide à réfléchir en termes abstraits, à approfondir notre réflexion, à généraliser notre savoir… à comprendre le monde qui nous entoure, tout simplement. Et ce n’est pas une page web qui pourrait remplacer ce plaisir de tourner les pages, d’être en contact avec l’histoire, jusqu’à s’y mêler parfois.
M. M.
.Moins de dix librairies pour tout Tizi Ouzou
Aider les libraires, c’est encourager la lecture
Jeudi 23 mars 2006
Par
Malik Boumati
Les libraires de la wilaya de Tizi Ouzou qui ont fait du commerce du livre leur métier, mais aussi leur passion, s’accordent à dire, à quelques exceptions près, que le prix du livre reste inaccessible pour le commun des citoyens dont le pouvoir d’achat demeure malgré tout très bas. Ils convergent tous cependant sur l’idée que l’évolution du prix des livres, depuis quelques années, n’a pas connu de stabilité selon qu’ils soient de culture générale, religieux ou scientifiques. Une instabilité qui correspond parfaitement au comportement de la population vis-à-vis du livre, dans la mesure où la courbe des achats suit généralement celle des prix qui connaissent, parfois, notamment lors de Salons et de foires, des promotions dont profitent sans hésiter les lecteurs potentiels.Mais tout le monde sait que le libraire n’est pas responsable de la cherté du livre et à croire les libraires interrogés par la Tribune, le souhait de tous est de fournir tous les efforts possibles afin que les prix baissent, de vendre en quantité et faire bénéficier le plus de monde. Chacun y va de ses suggestions pour aider les libraires, mais aussi les lecteurs. Des suggestions qui s’adressent, pour la plupart, aux autorités, mais aussi aux citoyens dont certains ont perdu tout intérêt pour la lecture, particulièrement ces dernières années.C’est le cas de Ramdane Ouiles, l’un des trois associés de la librairie Génération du livre issue de la reprise par les travailleurs des actifs de l’ex-SNED qui dit souhaiter que «le livre soit à la portée de tous les lecteurs». L’une des suggestions qu’il fera aux pouvoirs publics est d’exonérer les livres des différentes taxes, particulièrement la taxe douanière, parce que, dit-il, «taxer un livre, c’est comme dire aux gens, ne lisez pas !». En cédant les librairies aux travailleurs, l’Etat devait garder le monopole sur le gros et l’importation du livre, selon notre interlocuteur qui affirme, en outre, que «les gens achètent de moins en moins de livres, ils n’achètent que ce qui est nécessaire», mais il dit garder espoir en prévision de l’application de l’accord entre l’Algérie et l’Union européenne, appelé à supprimer les taxes douanières. Même son de cloche chez le gérant de la librairie Maison du livre, en l’occurrence Ahcène Aït Mouloud qui prône la baisse des prix du livre pour qu’il soit accessible aux Algériens et qu’il permette aux libraires de privilégier la quantité dans leur commerce. Tout en déplorant la concurrence un peu déloyale à laquelle les libraires font face parfois, comme celle de l’approvisionnement des bibliothèques de l’université, M. Ait Mouloud pense que l’Etat «peut aider les libraires, en leur cédant la commercialisation des manuels scolaires». Pour lui, aider les libraires permettra d’aider les citoyens avides de lecture, mais qui n’ont pas les moyens de se les payer. Le jeune gérant de la librairie Salon du livre de la paix, Abdelkader Khemici, ira dans le même sens, en regrettant toutefois que «les gens ne lisent plus comme avant» même si «les prix sont abordables globalement». Il s’en prendra à certains importateurs qui, parfois, achètent les livres soldés au poids et les proposent en Algérie à des prix élevés et par unité en citant l’exemple des dictionnaires. Il prônera, quant à lui, l’augmentation des budgets des établissements scolaires pour leurs bibliothèques. «Il serait bien de revoir à la hausse le budget des écoles pour l’achat des livres, mais aussi de surveiller l’utilisation de ce budget, car certains responsables détournent cet argent pour d’autres achats, au profit de leurs écoles» estime-t-il en précisant que les libraires, dont le nombre ne dépasse pas dix à Tizi Ouzou, pourraient en bénéficier dans la mesure où les établissements scolaires s’approvisionneraient chez eux.
M. B

Librairies à Constantine
Les affaires d’abord, l’éclectisme intellectuel après
Jeudi 23 mars 2006
Par
A. Lemili
«Les salons du livre ouverts à tout bout de champ et à n’importe quel moment de l’année tuent le livre. En fait ces pseudomanifestations portent atteinte à l’activité de la libraire traditionnelle.» Ces propos péremptoires nous sont tenus par un libraire considéré, sur la place de Constantine, comme le plus en phase avec la réalité, mais dont le chiffre d’affaires ne reflète pas forcément le succès tout juste… d’estime qu’il a auprès de potentiels lecteurs qui ne lisent finalement que les couvertures à hauteur des étals et, au meilleur des cas, le résumé au verso.Mais tout un chacun peut-il finalement s’autoriser à dire que ce lectorat virtuel n’a rien à voir en réalité avec la lecture, une fois le prix d’un ouvrage… connu tant il est clair que l’immédiateté fait soupeser le coût de l’œuvre, quelle que soit sa valeur, par rapport à ce que rapporterait la somme déboursée en viande blanche, voire en dizaines de baguettes de pain et le nombre de jours correspondants. A ce stade du raisonnement, les personnes qui se respectent n’osent plus se rendre dans une librairie et gardent toutefois intacte une réelle propension de consulter autant de livres qu’elles veulent à hauteur des salons du livre organisés sans désemparer pratiquement à longueur d’année à Constantine. A ce titre, le hall de la Maison de la culture, Med Laïd Khalifa, n’a jamais désempli et accueilli tambour battant plusieurs exposants qui viennent souvent solder leurs stocks.A contrario, un autre libraire de la ville estime que ces événements ne portent nullement ombrage au commerce du livre, du moins il continue «…à faire des affaires. En fait cela dépend du choix des livres et du public ciblé. Aujourd’hui, ce sont les ouvrages techniques qui sont les plus prisés et plus particulièrement ceux traitant de l’informatique et l’électronique. Peut-être parce qu’il s’agit de deux créneaux, contrairement aux idées préconçues, plus facilement maîtrisables par nos concitoyens. Bien entendu, il y a les livres de médecine. C’est par conséquent un choix que nous avons fait en tenant compte de la demande du public, des marges bénéficiaires induites par les ventes et c’est également un créneau plus ou moins clean compte tenu du profil des acheteurs intéressés». En réalité, ce que ne se résolvent pas à clairement reconnaître tous les libraires que nous avons eu l’heur de contacter, c’est l’engouement pour le livre arabe et notamment religieux, comme il y a un intérêt certain pour les grands auteurs anglais publiés dans la même langue. Il n’y a pas à proprement parler une culture du livre ou d’une lecture éclectique chez les personnes que nous avons abordées au sortir des librairies et plus particulièrement dans le hall d’exposition sus-évoqué. C’est en général un ouvrage précis qui est demandé ou recherché dans une multitude de manuels entassés au petit bonheur la chance dans des espèces de tables vitrines où se côtoient autant James Joyce que le plus obscur des auteurs d’un livre de couture ou de cuisine aux couleurs blafardes et à la limite du document ronéotypé. Il pourrait en être dit autant des libraires à l’exception de celui que nous avons cité plus haut, tant ils sont rares à pouvoir vous donner le nom d’un auteur à partir du titre de l’une de ses œuvres. Cela n’induit pas ipso facto qu’il n’y a plus de lecteurs dans la ville des ponts, loin s’en faut, sauf qu’ils savent où trouver lire pour peu cher… en l’occurrence chez les bouquinistes avec la faculté de pouvoir restituer, au cas où, l’ouvrage acheté contre la ponction d’une ristourne honnête. Un comique local, le défunt Sabou, disparu il y a trois ans, avait immortalisé ce no man’s land en déclarant un jour : «Honte soit sur toi, ville où le bol de double zit est pris d’assaut avant l’achat d’un journal.»
A. L.

Bien qu’elles ne soient qu’une dizaine pour près de 10 000 habitants
Les librairies de Bouira boudées
Jeudi 23 mars 2006
Par
Nacer Haniche
Dans la ville de Bouira, on dénombre moins de dix librairies pour une population de près de cent mille habitants. Malgré leur nombre réduit, ces antres du livre n’arrivent pas à drainer la foule. Elles ne retiennent pas l’attention du passant. Aussi sont-elles dans l’incapacité de socialiser le livre, et encore moins de susciter une tradition de lecture au sein du public.Mais il faut cependant signaler que ces librairies ne font rien pour être de véritables librairies. Elles sont tout juste des commerces. La vocation commerciale a pris le dessus sur le rôle culturel et la diffusion du savoir dans la société que doivent jouer ces quelques librairies. En effet, certains établissements, dont l’enseigne mentionne l’activité de la vente de livre dans les différentes disciplines, se sont orientés ces dernières années vers la vente des articles scolaires, de papeterie ou d’équipements de bureau. D’autres, rares, ont maintenu leur activité originelle, mais en y introduisant le livre de grande consommation. Des places sont aménagées pour la vente de livres scolaires et parascolaires, en plus de l’étal pour la vente des journaux. Selon un libraire que nous avons rencontré, ces deux activités attirent quelque, fois des clients en quête de romans de littérature ou de manuels scientifiques ou de culture générale. D’après un employé de la librairie de la place des martyrs à Bouira, depuis l’ouverture de l’annexe universitaire, un engouement est enregistré, notamment auprès des étudiants. Ainsi les manuels des sciences juridiques, les dictionnaires, les atlas et les livres de religion sont en tête des ventes, à côté des romans de littérature française et des livres de cuisine. En revanche, ceux qui traitent de l’histoire, de l’économie, de politique ou de la médecine n’arrivent pas à être écoulés, en raison de leur prix excessif pour les lecteurs et aussi à cause du manque d’intérêt affiché par les clients pour ces domaines. Par ailleurs, l’avènement de l’Internet et des CD-ROM a détourné de nombreux lecteurs qui boudent maintenant les librairies. D’autant plus que ces dernières ne sont souvent pas bien approvisionnées en livres intéressants. Pour le même employé, la période faste de leur activité se limite aux premiers mois de la rentrée scolaire, les rayonnages des manuels scolaires sont quelque peu pris d’assaut par les élèves et les parents à la recherche des nouvelles éditions en livres scolaires de cours, d’exercices ou annales pour les bacheliers. Pour ce qui concerne la production culturelle, notre interlocuteur a ajouté que la majorité des titres qui lui sont livrés par les distributeurs ou par des écrivains publiant à compte d’auteur sont liés à la littérature ou à la poésie. Ceux qui se vendent le mieux sont les livres relatifs à la langue et à la culture amazighes.Pour faire face à cette situation, certains libraires pensent que les organismes publics devraient multiplier les foires, Salons et expositions-ventes de livres, avec la participation des établissements implantés dans la wilaya de Bouira. Cela permettra, selon eux, une meilleure diffusion du livre. Mais c’est aux parents et à l’école que revient la charge d’inculquer le besoin et l’envie de lire, donc d’acheter le livre.
N. H.

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