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Cybercriminalité à Constantine

Une hausse qui inquiète

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le 11.01.18 | 12h00 Réagissez

Malgré les différentes actions de sensibilisation organisées dans les établissements scolaires et autres lieux fréquentés par les jeunes, la cybercriminalité connaît une hausse remarquable ces deux dernières années, faisant un nombre considérable de victimes, en majorité des mineurs.

C’est ce qui a été révélé, hier, lors de la présentation du bilan annuel des activités de la sûreté de wilaya de Constantine au siège de la direction centrale, située au Coudiat. Le chef de la sûreté de wilaya, Abdelkrim Ouabri, a déclaré que les éléments de la police judiciaire ont traité 75 affaires de cybercriminalité en 2017, dont 37 ont été réglées. Ce chiffre est inquiétant par rapport à l’année 2016, où les mêmes services ont enregistré 32 affaires, dont 8 ont été réglées.
Le conférencier a ajouté que la plupart des affaires traitées, notamment liées au chantage, menaces et vols, ont été signalées sur les réseaux sociaux. «La majorité de ceux qui consultent le réseau internet fréquemment est la masse des mineurs, qui commencent par des recherches liées à leurs devoirs scolaires puis cela devient autre chose en s’inscrivant dans les réseaux sociaux», a déclaré le chef de la sûreté.
Et de poursuivre : «Mais suite à chaque incident signalé par les parents, il y a une assistance psychologique du jeune concerné par nos soins. D’autant plus que certains jeux sont pris en considération par la DGSN, où l’on est en train de mener une étude sérieuse sur des applications.» Dans le même contexte, Sami Bouras, chef de service de la police judiciaire, a affirmé que les suicides et les décès des mineurs enregistrés n’ont aucun lien avec le jeu macabre «Blue Whale Challenge» ou «le défi de la Baleine bleue».
«Aucune des preuves recueillies durant les enquêtes menées sur les morts enregistrées en 2017 n’a démontré qu’elles ont une relation avec ce jeu. Pour ce qui est de l’affaire de l’enfant Heithem Mousli, âgé de 13 ans, retrouvé vendredi dernier pendu dans son domicile familial, à la cité des Frères Abbas, communément appelée Oued El Had, l’enquête est toujours en cours.
Je ne peux vous donner plus de détails avant son achèvement», a précisé M. Bouras. Sur un autre volet et parmi les chiffres importants communiqués à la presse lors de cette rencontre, notons celui des vols de véhicules. Le chef de la sûreté de wilaya a déclaré qu’il y a eu une hausse assez importante, où il  a été signalé le vol de 25 véhicules de plus en comparaison avec l’année 2016.
Ainsi, en 2017, 108 véhicules ont été volés et 49 ont été récupérés. Par contre, en 2016, les mêmes éléments ont enregistré 83 véhicules volés et 58 récupérés. «Certes, il y a eu une augmentation importante, mais plusieurs réseaux de trafic de véhicules ont été démantelés durant cette année. C’est pourquoi nous avons créé un pôle régional pour combattre ce genre de vols, pas seulement à Constantine, mais aussi au niveau des wilayas limitrophes», a conclu M. Ouabri.             
Yousra Salem


Bouira : des élus et militants du RCD dénoncent «les représailles de l’administration»

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le 12.01.18 | 12h00 Réagissez


Des élus et militants du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) dénoncent ce qu’ils qualifient de représailles de l’administration à leur égard. En effet, les décisions de mutation du personnel relevant du secteur de l’éducation décidées récemment par la Direction de l’éducation (DE), touchant surtout des enseignants et fonctionnaires détachés durant le mandat passé au niveau des Assemblées populaires communales (APC), ont été qualifiées par le parti comme étant une provocation claire de l’administration.
Chabane Meziane, élu du parti de Mohcine Bellabas à l’APW de Bouira, qui avait occupé le poste de maire de la commune de Haïzer durant le mandat 2012 à 2017, a été muté de son poste d’enseignant vers le lycée d’Ath laksar, 30 km au sud du chef-lieu de wilaya, alors qu’il enseignait avant au Technicum de la ville de Bouira. «La décision prise par le responsable du secteur est arbitraire. J’ai saisi la direction ainsi que le wali de Bouiran mais aucune suite ne m’a été donnée. Je considère ce comportement comme une fuite en avant et une pure provocation à mon égard», dit-il en colère. Et d’ajouter : «Les positions que j’ai prises durant le mandat passé à la tête de la commune de Haïzer n’ont vraisemblablement pas plu aux responsables», a dénoncé M. Chabane.
Ce dernier a précisé qu’une autre enseignante, ex-élue dans la même APC, a subi le même sort, puisqu’elle a été mutée pour le poste d’enseignante vers un établissement scolaire sis à la commune de Sour El ghozlane, soit à plus de 45 km au sud de Bouira. D’autres fonctionnaires, militants du même parti, ont dénoncé également les pressions de l’administration. «Un employé à la direction de l’éducation de Bouira a été muté de son poste initial vers un autre dans un un établissement scolaire de la région de Aïn Bessam», a-t-on indiqué. 
Amar Fedjkhi



Langue Tamazight

Autour de quelques questions d’actualité

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le 12.01.18 | 12h00 Réagissez

Ramdane Achab. Editeur et enseignant

Chacun des thèmes que vous souhaitez qu’on aborde mériterait bien sûr de plus amples développements, mais il faut faire avec les contraintes d’espace et de temps. Je vais essayer d’aller à l’essentiel et de m’exprimer clairement.
Sur la seule question de l’aménagement du lexique, j’ai déjà fait un travail universitaire qui remonte au début des années 1990 et qui a été publié en France, ouvrage que j’ai actualisé et réédité en 2013 en Algérie. Ce travail contient des propositions qui sont toujours d’actualité dans leur esprit et leurs grandes lignes.
J’utilise le mot tamazight dans un sens générique. Tamazight est constitué pour moi de la diversité de ses expressions concrètes que l’on peut observer sur le terrain, dans tous les pays où la berbérophonie est attestée.
Puisqu’on aborde des questions comme celles de l’aménagement linguistique, des institutions, etc., il faut rappeler que ce sont le Mali et le Niger qui ont les premiers accordé un statut de langue nationale à leurs variétés de tamazight, à l’instar d’autres langues africaines, une dizaine pour le seul Niger. S’agissant des institutions et des collaborations entre institutions berbérisantes, c’est l’Inalco de Paris qui a fait un travail de pionnier en organisant, dans les années 1990, pour la première fois dans l’histoire de notre langue, des ateliers de travail sur les questions de l’orthographe et des terminologies. Des ateliers qui ont réuni autour de la même table des chercheurs algériens, marocains et nigériens.
Pour la première fois de notre histoire également, ce sont l’Inalco et l’Ircam qui les premiers ont signé une convention de collaboration, institutionnelle et non plus individuelle, pour élaborer le vocabulaire de la grammaire, près de 400 termes, collaboration dans laquelle se sont investis solidairement des chercheurs algériens et marocains.
Lorsque des pays dits pauvres comme le Mali et le Niger font la leçon à un pays riche comme l’Algérie, on voit bien que les véritables richesses ne se trouvent pas dans les puits de pétrole ou le gaz de schiste. De son côté, le Maroc tant décrié présente au moins l’avantage de la lisibilité institutionnelle, à travers l’Ircam, alors qu’en Algérie règne une confusion institutionnelle voulue et entretenue.

J’aimerais poursuivre par quelques rappels qui me semblent essentiels pour donner un cadre et du sens à mon propos.

1) La langue Tamazight est une langue dominée. Elle est dominée par l’arabe et le français notamment. C’est cette position de langue dominée, de langue «basse», qui détermine son véritable statut, celui dont personne ne parle, son statut social, c’est-à-dire la place réelle, objective, effective, qu’elle occupe dans la société, qui détermine aussi l’image ou la représentation, peu reluisante, qu’en ont les citoyens en général, les locuteurs et les non-locuteurs. C’est le statut social seul qui est décisif dans la survie d’une langue, pendant que les statuts juridiques (langue nationale, langue officielle) et l’Académie retiennent toute l’attention, font fantasmer, entraînent les candidats et enflamment la piste de danse.

2) La langue Tamazight est une langue menacée de disparition. Voir le livre de Claude Hagège sur La mort des langues, ou le site québécois : «Les langues du monde, la mort des langues», qui contient une vingtaine de pages.

Les gens sont souvent étonnés lorsque vous leur dîtes que tamazight est menacé de disparition. Ils vous répondent : nous avons tenu jusqu’à maintenant, pourquoi voulez-vous que subitement on disparaisse ? Comme quelqu’un qui vous dirait : je n’ai jamais eu le cancer, pourquoi voulez-vous que subitement je l’attrape ? Nous avons tenu jusqu’à maintenant, sur le plan linguistique, parce qu’un certain nombre de conditions étaient réunies : la géographie, la structure sociale, le système d’appropriation des sols, la résistance, la densité de population, une certaine autarcie, un ensemble de valeurs qui servaient de liant et de repères à la communauté, etc. Voir les 10 ou 15 premières pages du livre Imazighen ass-a de Chaker.
De nos jours, ces conditions ne sont plus présentes avec la même force que par le passé. La géographie par exemple, les montagnes ou même le désert ne protègent plus à l’ère des nouveaux moyens de communication, de l’école, etc. A ces conditions objectives qui ne sont plus réunies s’ajoutent les politiques volontaristes, agressives, répressives, les politiques d’éradication qui viennent des pouvoirs centraux, en Algérie comme au Maroc notamment. L’objectif ultime de ces politiques n’est rien d’autre que la disparition de la langue amazighe. Il y a une certaine accélération de ces politiques depuis les dernières décennies, parce que les pouvoirs sentent bien que le moment est venu de porter l’estocade, le coup fatal, le coup de grâce.
Tous les moyens sont mis à contribution, tous les leviers possibles et imaginables sont actionnés simultanément pour déraciner tamazight, langue, culture, identité, société, valeurs et civilisation : l’arabisation, l’islamisation, le chômage, la drogue, la prostitution, la délinquance, l’insécurité volontairement entretenue, une politique de peuplement, la militarisation, une image-repoussoir, dévalorisée et dévalorisante, de la société amazighe à travers certaines émissions de télévision, l’ethnicisation de la revendication, la promotion et l’encouragement des expressions extrémistes, etc. Même les médias censés être des médias de promotion de la langue amazighe, comme la télévision et la radio, ont chacun leur feuille de route, ils sont là pour contribuer à servir les desseins inavouables du pouvoir.

On oublie aussi, trop facilement, que cette langue a «déjà» disparu d’un grand nombre de contrées, de régions, elle est «déjà» morte dans la plus grande partie de l’Afrique du Nord. Elle continue de disparaître chaque jour, elle meurt chaque jour un peu plus, sans crier gare. La mort d’une langue, c’est connu, est une maladie silencieuse.

On ne parle plus à Tizi Ouzou comme on parlait il y a 20 ou 30 ans, ou à Draa Ben Khedda, Tizi n’ At Aycha (Thenia), Tubirett, Draa El Mizan, Isser, etc. La langue est généralement attaquée sur la périphérie et les brèches, mais cette périphérie se rapproche de plus en plus du centre. Pourquoi n’y a-t-il pas d’études sur ces problèmes, des mémoires, des thèses, des articles de presse, des reportages ?

La mort d’une langue est un processus qui s’étale en général sur la longue durée, plusieurs siècles pour tamazight. Les villes, les plaines, les centres importants de pouvoir (économique, politique, religieux) constituent le plus souvent autant de cimetières pour les langues dominées, des cimetières encore plus silencieux que les autres, sans pierre tombale et sans registre de décès, lavés de la mémoire comme de l’oubli. La langue tamazight ne fait pas exception.
Contrairement à ce que l’on entend ou lit, ici et là, en prose, en vers ou en chansons, elle ne meurt pas «à cause de ses locuteurs qui ne l’aiment pas ou ne l’aiment pas assez», elle meurt parce que des forces objectives, économiques, politiques, linguistiques, culturelles, militaires, idéologiques, etc., la poussent puissamment vers la sortie.
La situation de langue dominée engendre auprès des locuteurs concernés un phénomène d’auto-minoration, des complexes, des inhibitions, de la haine de soi, etc., autant de facteurs qui à leur tour viennent alimenter, aggraver et accélérer le processus de disparition. La situation de la langue tamazight ne s’explique pas par le facteur ethnique, elle ne s’explique pas au travers du paradigme ethnique, elle s’explique par des lois de sociolinguistique qui sont universelles dans leurs grands principes, au-delà des spécificités de chacune des situations.

Oui, il s’agit bien de lois universelles, alors que certains ont tendance à les ethniciser, par calcul politicien ou par ignorance. Il y a quelques siècles, les enseignants bretons affichaient dans des écoles de Bretagne, pour les élèves bretons : il est interdit de cracher par terre et de parler breton. De leur côté, les Catalans qui vivent de nos jours en France ne sont pas loin de disparaître linguistiquement, alors que les Catalans qui vivent en Catalogne se portent beaucoup mieux sur le même plan. Il s’agit pourtant de la même «ethnie», si ce mot a encore un sens, mais ce sont les environnements dans lesquels ils vivent qui sont différents et qui sont déterminants. Nous sommes donc en présence d’une langue dominée, menacée de disparition, et l’on nous promet de traduire en tamazight les principaux textes des administrations centrales, des traductions, vous le savez très bien, qui seront forcément indigestes, qui ne serviront absolument à rien et que personne ou presque ne lira.
On nous promet aussi des factures en tamazight ! La belle trouvaille ! Pendant qu’on y est, pourquoi ne pas traduire en tamazight les guides d’installation des cuisinières et des machines à laver ? C’est à l’aune de ces deux caractéristiques (langue dominée, langue menacée de disparition) que doit être jaugée (jugée ?) toute mesure : statut juridique de langue nationale et de langue officielle et création d’une Académie, notamment. Telle mesure permet-elle ou non de relever le statut social de la langue ? Telle mesure permet-elle d’endiguer l’érosion, de freiner la déperdition, de contribuer vraiment à sauver la langue ? Ce sont à mon avis les seules questions qui vaillent la peine d’être posées.
3) De par le monde (Suisse, Finlande, Canada, etc.), deux grands principes servent à donner une base juridique à la résolution des problèmes linguistiques dans les pays multilingues : le principe de la territorialité et le principe de la personnalité. J’ai déjà eu l’occasion de les aborder au département de langue et culture amazighes de l’université de Tubirett en mai 2016, et tout récemment dans un cadre associatif à At Bugherdan.

a) Le principe de la territorialité consiste à accorder la primauté à une langue dans la ou les régions où son usage est prépondérant sur les autres langues. Ce principe est appliqué par exemple en Suisse où coexistent plusieurs langues. Si l’on applique ce principe à l’Algérie, la primauté reviendrait à Taqbaylit en Kabylie, Tachawit dans les Aurès, Tamzabit au M’zab, Tazennatit dans le Gourara, etc. La primauté ne signifie pas l’exclusion des autres langues, mais elle doit être reconnue, respectée et appliquée par les administrations quelles qu’elles soient, les institutions publiques ou privées, les services de sécurité (police et armée), les commerces, la justice, etc.

b) Le principe de la personnalité : au Canada par exemple, lorsqu’un citoyen se présente à une institution publique ou privée, il est reçu par le préposé à l’accueil avec deux mots «Welcome» et «Bienvenue». Si le citoyen répond en anglais, le préposé poursuit en anglais. Si le citoyen répond en français, le préposé poursuit en français. La loi reconnaît et respecte la personnalité linguistique du citoyen, d’où cette appellation de principe de la personnalité.

Ces deux principes ne sont pas exclusifs l’un de l’autre. Ils sont au contraire complémentaires. Leur conjugaison pourrait contribuer à inscrire les problèmes linguistiques dans un environnement juridique favorable à leur résolution. Leur mise en place devrait bien sûr se dérouler dans un climat d’apaisement et bénéficier de mesures d’accompagnement.

4) Les toponymes et les ethnonymes : le hold-up toponymique déjà pratiqué pendant l’époque coloniale a été reconduit, prolongé et aggravé par l’Algérie indépendante : effacement pur et simple des toponymes et des ethnonymes traditionnels, falsifications, altérations, contorsions et tortures linguistiques diverses pour les rapprocher de l’arabe. Au nom de quoi Imcheddalen par exemple (qui signifie : fourmis rouges) est-il devenu M’chedellah ?

La volonté politique du pouvoir, qui pour le moment fait cruellement défaut, doit s’exprimer rapidement par un certain nombre d’actions concrètes claires et sans équivoque, de véritables signaux en direction de la société : le principe de la territorialité, le principe de la personnalité, le rétablissement des toponymes et des ethnonymes, notamment. Elle ne saurait se contenter de déclarations de principe qui resteront lettre morte, de gesticulations, d’engagements qui n’engagent à rien, ni même de postes budgétaires.

5) Le problème de la graphie.
Les caractères latins, ce n’est pas seulement un alphabet, c’est plus de deux siècles d’histoire et de production, ce sont des monuments d’écriture, aussi importants que tous les monuments qui nous ont été légués par l’histoire et la préhistoire. Le premier dictionnaire kabyle était déjà prêt à la fin du VIIIe siècle (son auteur est mort en 1799), avant la colonisation française, même s’il n’a été publié que beaucoup plus tard, dans les années 1840.
Les partisans de la graphie arabe veulent effacer cette histoire, cette production, le nom des auteurs, tout le travail ardu, patient, qui a été fait pour fixer petit à petit les règles d’orthographe, à partir des acquis de la linguistique berbère et de la pratique des usagers. La graphie arabe, ce sont plus de deux siècles d’histoire et de production qui seront jetés aux oubliettes. Les partisans de la graphie arabe n’ont rien à envier aux intégristes qui de par le monde détruisent les traces des autres civilisations. Détruire ce qui a été fait, effacer les traces, les noms, les livres, etc., le désert intégral comme seul projet civilisationnel ! On efface tout et on ne recommence rien !

Plus prosaïquement, il s’agit aussi, bien sûr, de dresser de nouveaux obstacles sur le chemin de la revendication de tamazight. Les promoteurs de la graphie arabe sont des personnes qui n’ont jamais écrit le moindre mot de tamazight dans leur vie, et qui ne l’écriront jamais, dans aucun alphabet au monde. L’alphabet arabe est utilisé à des fins répressives, voilà une chose contre laquelle devraient, normalement, se révolter les amoureux de la langue arabe !

Il s’agit aussi, bien sûr, de tenter d’amener tamazight dans le giron arabo-musulman, en le camouflant dans la graphie arabe, comme on camoufle une femme dans un hidjab ou une burqa.

6) L’Académie.
De mon point de vue, nous sommes très loin du compte. Le statut de langue nationale, celui de langue officielle, l’Académie, que sais-je encore, tout cela est loin, très loin, de pouvoir apporter une véritable solution à ces deux données fondamentales : tamazight est une langue dominée, tamazight est menacée de disparition.

Vous verrez que cette académie sera caractérisée avant tout par l’allégeance politique, surtout pour le ou les postes de direction. Je pense qu’une partie au moins de son travail sera consacrée à la destruction des acquis : remise en cause des règles d’orthographe, remise en cause des acquis de l’aménagement du lexique, etc.

Une académie digne de ce nom devrait être indépendante du pouvoir politique, de tous les pouvoirs politiques, dans les textes et dans les faits. Elle devrait s’inscrire dans la continuité de ce qui a été fait jusqu’à maintenant, dans le prolongement des acquis de l’aménagement de la langue tamazight (graphie, lexique, terminologies), même si celui-ci a été fait dans des conditions difficiles d’hostilité politique, idéologique, et de clandestinité.
Elle devrait travailler la main dans la main avec toutes les autres institutions berbérisantes, les universités algériennes et marocaines où tamazight est enseigné, l’Ircam, l’Inalco, ainsi que les ministères malien et nigérien de l’Education nationale, sur des questions d’intérêt commun, comme l’aménagement du lexique et l’orthographe.
Cette collaboration entre les différentes institutions, à défaut d’une institution unique à l’échelle de toute l’Afrique du Nord et même au-delà, ce n’est pas une prise de position conjoncturelle. Je l’ai déjà évoquée dans le travail que j’ai fait au début des années 1990, dans le chapitre consacré aux propositions.
Enfin, plus que tout cela, les statuts juridiques et l’académie ne sont pas une fin en soi. Ce sont des outils, des instruments, des éléments d’une politique linguistique qui n’existe toujours pas, une politique linguistique qui doit traduire une volonté politique qui n’existe pas non plus. Pour être crédible, cette volonté politique doit montrer patte blanche, elle doit se traduire sur le terrain par la mise en application, franche et honnête, des deux principes évoqués ci-dessus : la territorialité et la personnalité. Mais cela suppose une désinstallation complète du logiciel politique algérien, une refonte profonde de l’Etat, et l’installation de nouvelles mœurs politiques adossées à un Etat de droit.
C’est seulement à ce prix que les Amazighophones pourront, sur le plan linguistique, sortir du code de l’indigénat dans lequel ils se débattent depuis l’indépendance du pays. Ce n’est pas demain la veille.












Béni Snous… une identité et des traditions

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le 12.01.18 | 12h00 Réagissez
 
	Ce sont les dernières tribus berbères vivant leurs traditions… Humblement et loin d’un quelconque tintamarre.
Ce sont les dernières tribus berbères vivant leurs...

Cantonné au pied du mont Asfour et surplombant le territoire marocain, Béni Snous, un îlot amazigh de l’extrême ouest algérien, est perpétuellement trempé dans le mythe…

«Nous n’avons pas de revendications identitaires, encore moins linguistiques, quoique identité et langue se confondent», prévient Ali Abdoun, metteur en scène de théâtre et auteur d’un documentaire sur le lien culturel et la résistance de la population snoussie pendant la guerre de Libération. Et de s’interroger : «Pourquoi faut-il en avoir ?»
Et là est toute la question. Béni Snous, contrée de savants illustres, composée de douze hameaux, dort sur des vestiges datant de 12 siècles. Une civilisation dont les habitants sont toujours imprégnés. «Nous sommes une des rares populations au Maghreb à fêter encore Ayred (le lion en berbère zénète) et le calendrier berbère. Une tradition qui remonte à la nuit des temps.» Retour en arrière : 950 avant Jésus Christ, Chachnak, Berbère, sort victorieux d’une bataille contre Ramsès et se voit intronisé pharaon.
Dès lors, les Berbères ne pouvaient que fêter cette victoire en désignant cette date comme le premier jour du nouveau calendrier amazigh coïncidant avec le 11 janvier du calendrier grégorien. Et tous les ans, les Amazighs de Béni Snouss célèbrent Yennayer et Ayred. Une tradition basée sur la préparation des mets particuliers (berkoukès, beignets et crêpes) et des spectacles nocturnes, consistant à reproduire une histoire mythologique.
Une reconstitution célébrée tous les ans avec les mêmes ferveur et passion. Mais en fait, qu’est-ce que Ayred ? En plus des victuailles, les habitants, réunis en groupes de neuf personnes toutes déguisées avec des masques représentant des animaux, passent d’une maison à l’autre. Le lion est tiré à l’aide d’une chaîne.
Le guide, accompagné de ses acolytes, muni d’un drapeau, frappe aux portes des maisons. Au cas où le ou la propriétaire n’ouvre pas, les participants entonnent : «La jarre est cassée et la maîtresse de maison est répudiée.» Si la porte est entrouverte, le lion entre, suivi de ses compagnons au son de la «ghaïta» (sorte de flûte) et du «bendir» chantonnent : «Ouvrez vos portes, nous sommes venus !» Le lendemain, les rôles joués par les différents protagonistes ne sont pas dévoilés.
Sûrement par souci de pudeur, de discrétion… Mais au fond, tout cela n’est qu’un jeu. La morale de ce carnaval, c’est la solidarité, parce que la tournée nocturne du groupe déguisé consiste à récolter des fruits, des légumes et de l’argent qui seront distribués aux nécessiteux de la région. L’artiste Mustapha Nedjaï, auteur d’un livre-album sur Ayred, justifie son intérêt pour cette tradition. «J’ai fait ce beau livre par amour. Ce n’est qu’un regard admiratif d’un artiste pour cette fête qui m’a subjugué. Les masques utilisés sont le signe d’une créativité incroyable. Ils sont impressionnants et d’une beauté esthétique.»
Pour éviter toute équivoque, Abdellah N., militant d’un parti politique, est très clair. «Nous gardons nos traditions ancestrales, mais notre langue a tendance à disparaître dans notre région. Si les vieux continuent à l’utiliser aisément entre eux, les jeunes, qui en comprennent des bribes, ont du mal, en revanche, à en former des phrases. Vous savez, même quand le ministère de l’Education a programmé des salles de classe dans certaines écoles pour l’enseignement volontaire de tamazight, aucun de nos élèves ne s’y est inscrit.
Aucun parent n’a incité son petit à le faire. Que signifie programmer des cours volontaires d’une langue si ce n’est reconnaître subtilement qu’elle est minoritaire ; or, on n’a pas besoin de nous le rappeler, puisque nous savons que de par cette langue, nous sommes minoritaires ? Ce statut n’est pas un handicap, parce que dans ce monde, on n’a pas besoin de langue particulière pour être compétent, nationaliste, humain et juste…».

L’Ouziâ, un symbole de partage et de reconnaissance

Mohammed Saridj est anthropologue, originaire de Beni Snous et auteur, entre autres de Ayred des Beni Snous. Un ouvrage d’une richesse inestimable, en ce sens qu’il met en exergue la culture berbère dans cette région du sud tlemcénien, connue pour être la «vallée des mystères».
On y trouve «l’étymologie et l’exégèse des mots, le carnaval, son inspiration et ses origines, la problématique d’Ayred, l’utilité du masque dans le rituel, les offrandes : symboles et présages, les préparatifs d’Ennayar, les Maskharate d’Azail, Tléta, Zahra, Tafessera, Béni Bahdel, une cité millénaire troglodyte, Ath Larbi, le début de la Maskhara, la tribu des Oules Farès de Khemis, Ouled Moussa, historique de Béni Hammou, Béni Achir, Béni Zidaz et le site historique de Mazer...»
A propos des activités d’Ennayer que fêtent annuellement et avec passion les Snoussis, le Dr Saridj explique : «Cette manifestation culturelle annuelle de Beni Snous est unique en Algérie, explique le docteur. Elle commence pendant la nuit du 9 janvier pour s’achever trois jours plus tard. Tout le village de Beni Snous est alors en fête. Les murs des maisons sont repeints pour accueillir le Nouvel An et le renouveau attendu.
Les meilleurs plats sont préparés à cette occasion, mijotés à base de fèves et de raisins secs ou de piments rouges, ainsi que les gâteaux traditionnels comme ‘‘tbiqat qraqcha’’, les crêpes ou les beignets agrémentés de figues sèches ou de dattes. Toutes ces activités sont menées sous le sceau de ‘‘l’Ouziâ’’, qui est un symbole culturel de partage et de reconnaissance.» 
Sauf que, malgré sa renommée et le fait qu’il soit fêté annuellement en présence des autorités et des invités de plusieurs wilayas du pays, le carnaval d’Ayred n’est pas encore institutionnalisé par les pouvoirs publics.                                       C. B.
Chahredine Berriah

Le Printemps noir 2001 : une étape historique du combat identitaire

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le 12.01.18 | 12h00 Réagissez

Arezki Ait Ali.
Ancien animateur du mouvement citoyen

Il y a seize ans, presque jour pour jour, dans le but de clarifier la position du groupe des neuf insoumis du mouvement citoyen dont je faisais partie, je publiais dans le journal Liberté une tribune pour appeler à une sortie de crise qui avait poussé le mouvement dans l’impasse.
Clôturant la liste des mesures préconisées qui consacreraient l’aboutissement du combat citoyen, il était proposé de le couronner par la proclamation du 12 janvier jour férié et fête nationale de Yennayer. Ce couronnement signifiait l’entière satisfaction des revendications contenues dans la plateforme d’El Kseur dans sa lettre et son esprit conformément à l’explicitation adoptée par le mouvement en octobre 2001 : satisfaction de la revendication amazighe dans toutes ses dimensions.
Tamazight, langue nationale et officielle
La consécration institutionnelle et constitutionnelle doit se traduire par un statut et des moyens identiques à ceux octroyés à la langue arabe. L’Etat doit s’engager à concrétiser cette revendication avant toute consultation électorale. Mise en œuvre des réformes politiques qui garantissent les libertés démocratiques dans le respect de la déclaration universelle des droits de l’homme. Rendre justice et s’acquitter des réparations dues aux victimes des tragiques événements du printemps noir.
Le folklore : une fête de destruction massive
Finalement, ils ont décidé que ce n’est qu’en 2018 que le moment est enfin venu pour que l’Etat algérien reconnaisse officiellement la fête de Yennayer que les peuples d’Afrique du Nord ont toujours célébrée depuis la nuit des temps. Gageons que dans peu de temps il apparaîtra que cette reconnaissance n’est qu’une manœuvre de plus pour folkloriser davantage la Kabylie pour mieux l’éloigner de son vrai combat. Aussi, mon propos aujourd’hui n’est pas pour me joindre aux nombreuses voix qui vont festoyer et «se féliciter de cette nouvelle avancée du combat identitaire», mais pour rappeler que les revendications fondamentales portées par les combats qui ont jalonné notre histoire sur plusieurs générations sont plus que jamais réprimées et occultées.
A cette occasion, je me remémore avec émotion les événements tragiques du Printemps noir de 2001 et les douloureux moments qui les ont suivis. Je m’incline avec un profond respect devant la mémoire des victimes et je rends un vibrant hommage aux blessés. L’Histoire retiendra leurs sacrifices qui ne seront jamais vains, car n’en déplaise aux détracteurs du mouvement citoyen issu de leur martyre, les acquis engrangés et les voies qu’il a ouvertes pour la poursuite de la lutte sont de la plus haute importance pour la Kabylie.
Hélas, cet historique mouvement porté par une mobilisation populaire jamais égalée s’est éteint dans des conditions tristes et regrettables en laissant des stigmates indélébiles et des traumatismes profonds dans la mémoire collective de la Kabylie. Je ne prétends pas faire l’autopsie du mouvement, pour cela je laisse le soin aux historiens, de loin plus compétents que moi dans ce domaine, mais je voudrais rendre hommage à tous ces jeunes qui ont sacrifié leur vie pour que le combat continue.
La faillite de la classe politique et la genèse du mouvement citoyen
L’onde de choc de la mort du jeune Massinissa dans les locaux de la gendarmerie à Ath Douala, l’arrestation des collégiens d’Amizour et les déclarations incendiaires du ministre de l’Intérieur qui ont suivi ont provoqué une vague de protestions des jeunes contre les brigades de gendarmerie dans toute la région. La riposte sanglante des gendarmes aux manifestations a plongé la Kabylie entière dans un chaos indescriptible, c’est l’escalade infernale. Les gendarmes tirent à balles réelles sur des manifestants déterminés qui ne reculent pas devant la mort. Ils nous répliquaient alors avec défi : «Ils ne peuvent pas nous tuer, nous sommes déjà morts».
Ni les instances élues, ni les pouvoirs publics, ni les partis politiques ne pouvaient arrêter le cycle infernal de l’effusion de sang. Devant une telle situation, un appel aux Arouch, vieille instance coutumière qui regroupait les sages des villages pour faire face à toute menace extérieure ou en cas de problème grave nécessitant la solidarité de tous. L’appel a très vite trouvé l’écho favorable attendu et les premières réunions sont organisées. C’est ainsi que le mouvement citoyen a vu le jour.
D’emblée, le mouvement s’est déclaré d’essence démocratique et résolument pacifique, émanant des profondeurs de la société, transpartisan, autonome, se refusant à toute forme d’allégeance ou substitution aux formations politiques et aux institutions de l’Etat. La marée humaine de la marche du mois de mai 2001 a déferlé dans les rues de Tizi Ouzou dans une mobilisation citoyenne jamais vue sous les regards inquiets des pouvoirs publics et des partis politiques réduits au rang de simples spectateurs. La réussite de cette première action d’envergure du mouvement citoyen lui a permis de gagner la confiance des jeunes, permettant ainsi d’organiser la contestation sans exposer les manifestants aux balles meurtrières.
L’éclatante maturité du mouvement citoyen
Les conclaves s’enchaînent à un rythme soutenu, dans des débats chauds mais fructueux. Le mouvement gagne en maturité et en organisation. Les espoirs et attentes nés de cette formidable mobilisation populaire sont tels qu’ils ne peuvent trouver leur satisfaction qu’en s’adressant directement aux plus hautes autorités du pays. Une marche populaire d’envergure nationale est alors retenue et fixée pour le 14 juin à Alger. Outre les préparatifs organisationnels et logistiques qu’une telle manifestation requiert, elle doit être porteuse d’un message à la hauteur des aspirations et des sacrifices consentis. L’élaboration d’une plateforme de revendications citoyenne à remettre au président de la République est engagée avec son lot d’âpres, longs et très délicats débats.
Elle sera achevée le 11 juin 2001 et portera le nom de la localité où elle a été adoptée : El Kseur. Elle est composée de 15 revendications exigeant : justice et réparation aux victimes, satisfaction des revendications identitaires amazighes, réformes politiques garantissant toutes les libertés démocratiques, relance économique et lutte contre l’exclusion La gigantesque marche populaire du 14 juin 2001 réprimée dans le sang, avec son chapelet de morts et de blessés, restera à jamais dans les mémoires et dans l’Histoire. Au summum de sa popularité et de son impressionnante capacité de mobilisation, le mouvement citoyen s’est attiré les foudres du pouvoir, déterminé à le briser par tous les moyens.
La contre-attaque du pouvoir et ses relais
Tous ses relais sont alors actionnés, une panoplie de manœuvres dont seul le pouvoir a le secret et les diverses manipulations visant à discréditer le mouvement citoyen et ses animateurs sont déployées. Avec le soutien actif de ses satellites, partis politiques, zaouïas, baltaguia, faux Arouch et j’en passe…, le rappel des troupes est général pour détruire la substance de la contestation, en particulier les revendications portant sur les reformes politiques et les libertés démocratiques.
L’expérience des négociations avec le gouvernement pour obtenir une 2e session nationale du baccalauréat 2001, conduite avec succès par les animateurs du mouvement citoyen, a fait craindre non seulement au pouvoir d’être confronté à ces rudes interlocuteurs pour négocier de telles revendications, mais aussi aux partis politiques dominants dans la région, qui n’acceptent pas d’être tenus à l’écart des événements en ces moments historiques que traverse la Kabylie.
La formule sortie tout droit d’un cerveau machiavélique au service de cette coalition était de déclarer la plateforme d’El Kseur «scellée et non négociable», la presse aux ordres en a fait un slogan et le piège s’est brutalement refermé sur tout le mouvement citoyen. Une avalanche d’anathèmes, de dénigrements, de menaces est orchestrée quotidiennement contre les animateurs insoumis qui refusent cette dérive et le naufrage du mouvement. Une foule de médiateurs et de messagers prétendant représenter telle ou telle institution ou tel ou tel personnage influent s’est déversée sur la Kabylie. Le mouvement est assiégé, les assauts pleuvent de partout.
C’est la ruée des opportunistes de tous bords et tous les coups sont permis. Le pot de fer contre le pot de terre. Un groupe d’animateurs insoumis (le groupe des 9) a lutté à l’intérieur du mouvement et à travers la presse quand ses colonnes lui étaient ouvertes. Un espoir de redressement en octobre 2001 est né avec l’épisode de l’explicitation de la plateforme d’El Kseur. La démarche visait le dépassement de l’impasse absurde du slogan «scellée et non négociable» et la clarification du contenu de la plateforme pour éviter les interprétations réductrices ou fallacieuses des revendications. Une fois cette étape franchie, la voie s’ouvre à la négociation en désignant librement et dans la transparence les représentants du mouvement citoyen.
C’était compter sans la détermination du pouvoir et des intérêts politiques en jeu à enterrer le mouvement citoyen et les espoirs qu’il a suscités. C’est le pot de terre contre le pot de fer. La rupture consommée, et les positions définitivement inconciliables au sein du mouvement, le groupe des 9 s’est démarqué publiquement de la tendance qui a programmé la stérilité puis la fin du mouvement citoyen. Encore une fois, la pouvoir a réussi à diviser la Kabylie, il a toujours excellé en la matière, la voie est alors libre pour la pacification de la région. Triomphant sans gloire, le pouvoir a concédé le statut de langue nationale à tamazight pour apaiser une région et une population meurtrie. Il a distribué quelques pécules aux familles des victimes comme on pose un pansement sur une plaie ouverte.
La gloire des opprimés, la lutte continue!
N’en déplaise à ses détracteurs, le mouvement citoyen n’est pas un échec, le nombre de morts et de blessés durant ces événements traduit à lui seul le sens du sacrifice de la Kabylie pour son combat identitaire. Le Printemps noir de 2001 est à marquer d’une pierre blanche par l’ampleur de la mobilisation populaire jamais égalée dans l’histoire de l’Algérie. Le démantèlement des brigades de gendarmerie en Kabylie démontre que le combat pacifique peut vaincre la puissance des armes.
Le statut de langue nationale pour tamazight, proclamée par celui-là même qui a provoqué la Kabylie par son «Trois fois jamais» à Tizi Ouzou est une sacrée victoire pour le mouvement citoyen. La lutte continue et la victoire est inéluctable.

Salem Chaker. Spécialiste de linguistique berbère

Dans le cadre d’un Etat centralisé, le berbère est condamné à la disparition

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le 12.01.18 | 12h00 Réagissez


Le chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, vient de décréter Yennayer comme journée chômée et payée en Algérie. Comment le professeur Chaker perçoit cette consécration concernant le jour du Nouvel An berbère?
Au cours des différents mandats du président Bouteflika, les Berbères ont été rassasiés de symboles : tamazight «langue nationale» en 2002, «langue officielle» en 2016, Yennayer journée chômée et payée en 2017…
Et la liste n’est certainement pas close. On pourrait d’ailleurs rajouter bien d’autres initiatives, si l’on rentre dans les «détails», notamment les nombreux colloques et autres manifestations publiques organisés sous l’égide des institutions officielles. Manifestement, l’Etat et certaines élites algériennes se complaisent dans le symbole, l’affichage et la représentation.
Car ce sont autant de mesures qui ne changent strictement rien à la situation réelle de tamazight, langue et culture minoritaires et minorées, toujours soumises au rouleau compresseur de l’arabo-islamisme, de l’arabisation et de la pensée unique, véhiculés par toutes les institutions de l’Etat, en particulier le système éducatif.
L’officialisation de Yennayer est pour moi typiquement une mesure «qui ne coûte pas cher et peut rapporter gros». En caressant dans le sens du poil des élites (Berbères et autres) qui ne demandent et n’attendent que la «reconnaissance» du maître, en accordant quelques os à ronger à des relais toujours prêts à servir le pouvoir, on annihile ou, à tout le moins, on affaiblit les capacités de résistance, de réaction et de gestion autonome de la société.
Que pensez-vous de la décision de la création d’une académie berbère ?
Attendons de voir la forme et le contenu qu’elle prendra avant d’émettre un avis définitif ! Mais, au vu des expériences passées et du contexte global, on peut craindre que ce soit encore une mesure dont la finalité principale sera de reprendre, ou d’essayer de reprendre, le contrôle d’un champ qui a longtemps échappé, et échappe encore largement, à l’Etat.
Pendant de nombreuses décennies, toutes les actions qui relèvent habituellement d’une académie de langue ou d’institutions de ce type – la codification, l’aménagement – ont été assumées en dehors de l’Etat, par des universitaires, des écrivains, des associations… Le «passage à l’écrit», notamment, a été l’œuvre d’acteurs non institutionnels, du pionnier Boulifa à Mammeri, en passant par la myriade d’auteurs, d’éditeurs, de pédagogues, d’universitaires, moins connus, qui ont longtemps travaillé dans la discrétion, voire la clandestinité et l’exil...
Depuis l’institutionnalisation de tamazight, il est aisé de constater que l’Etat n’a pas pu faire table rase de ce travail souterrain qui s’est fait en dehors de lui. Jusqu’à présent, même si des «voix autorisées» s’expriment très régulièrement en ce sens, on n’a pas osé s’y attaquer frontalement et remettre en cause ce socle d’acquis ; il a même été largement intégré par l’institution (graphie latine, codification graphique, néologie…), grâce à l’engagement têtu des militants berbères, dans et hors institution.
Ma crainte est donc que la future académie ne soit «le cheval de Troie» que l’on utilisera pour, sinon réduire à néant – ce sera difficile ! –, du moins contrer et ralentir une dynamique socio-culturelle autonome. Mais j’espère me tromper !
Etes-vous contacté pour présider l’académie en question? Si c’est le cas, accepteriez-vous de la présider ? Et que proposez-vous pour que cette institution puisse jouer pleinement son rôle ?
Non ! Et je serai assez surpris que l’on me contacte pour cela. Il n’est pas dans les pratiques des autorités algériennes de faire appel aux esprits indépendants et critiques. On préfère habituellement les échines souples et surtout l’adhésion aux «constantes de la nation», c’est-à-dire à tout le corpus idéologique qui permet à une oligarchie de maintenir son contrôle sur la société depuis 1962 : arabo-islamisme, autoritarisme, pensée unique…
J’en suis trop éloigné pour qu’on me sollicite. Si je me trompe, je ferai un mea-culpa public ! Mais je sais que je ne prends pas beaucoup de risques en disant cela. Maintenant, dans l’absolu, pour que cette académie soit efficace et acceptée par les acteurs du terrain berbère, il faudrait au minimum :
a) qu’elle soit statutairement indépendante des injonctions politiques ; b)qu’elle soit composée de personnalité dont l’engagement, l’action et/ou la production scientifique et culturelle berbérisante sont incontestables ; c)qu’elle reflète un équilibre entre spécialistes universitaires et producteurs culturels reconnus ; d) enfin, qu’elle soit ouverte sur le monde berbère non algérien, car tamazight et l’amazighité ne concernent pas que l’Algérie et il serait aberrant, sur les plans scientifique, historique et politique, de les enfermer strictement dans les frontières d’un Etat : «Le tamazight algérien» n’a pas plus de réalité et de consistance que «le tamazight marocain»…
C’est ce qu’ont bien compris les militants et acteurs de la langue berbère depuis les années 1940 en plaçant délibérément le travail d’aménagement de leur variété régionale de langue dans une perspective «berbère».
Comment, à votre avis, dépasser le problème lié à la transcription de la langue que certains brandissent (latin, caractères arabes et le tifinagh) pour un meilleur épanouissement de la langue ?
Depuis au moins 40 ans, cette question est soulevée de manière récurrente par tous ceux qui ne supportent pas que tamazight ait connu un développement autonome, hors de l’Etat et du giron arabo-islamique… Comme si le berbère et tamazight n’avaient droit d’exister et ne pouvaient être tolérés qu’habillés du costume arabo-islamique.
Non seulement, ils ont bloqué, interdit pendant des décennies toute action, y compris scientifique, en faveur du berbère, mais ils voudraient imposer des choix graphiques qui seraient une rupture totale avec plus d’un siècle de pratiques et un capital documentaire et scientifique considérable. Contrairement à ce que voudraient imposer les tenants d’une conception bureaucratique et étatiste de la langue, c’est d’abord l’usage qui fait la langue. L’essentiel de la production littéraire, des publications, en Algérie comme au Maroc d’ailleurs, est en caractères latins. La quasi-totalité de la production scientifique est en caractères latins. Tout le travail de codification graphique, depuis plus de 50 ans, a été réalisé sur la base de la graphie latine.
Contester et vouloir revenir sur cette donnée serait vouloir porter un mauvais coup au berbère, pour des motifs purement idéologiques : on ne veut/peut pas tolérer qu’une «langue nationale algérienne» puisse s’écrire autrement qu’en caractères arabes. Ce qui révèle bien la pensée profonde des milieux du pouvoir et l’esprit sous-jacent à tous les simulacres de «reconnaissance», esprit du reste parfaitement explicite dans le préambule de la Constitution algérienne : «L’Algérie est d’abord une terre arabe» et pour avoir le droit d’exister, le Berbère doit reconnaître qu’il appartient à la famille arabo-musulmane. Pour ma part, je ne prétends interdire à quiconque d’utiliser l’alphabet de son choix : que les tenants de la graphie arabe se mettent au travail et produisent !... Et laissons faire le jeu de la libre concurrence. Mais ils savent par avance quel sera le résultat : c’est bien pour cela qu’ils voudraient imposer un choix institutionnel, par le haut, en s’appuyant sur l’autorité de l’Etat, d’une «académie»…
Je les invite aussi à méditer l’exemple du Maroc : l’Institut royal de la culture amazighe marocain a opté en 2003 pour la graphie en néo-tifinagh : 15 ans plus tard, l’écrasante majorité des écrivains berbères – Rifains, Chleuhs ou Amazigh du Maroc central –, publient leurs œuvres en caractères latins, une très petite minorité en alphabet arabe. Et les publications officielles en néo-tifinagh ne sortent pas du cadre scolaire et des rayons des entrepôts de l’Ircam. A l’université, tous les départements de langue et culture amazighes du Maroc, malgré l’option officielle, utilisent la graphie latine. Le pouvoir de l’institution ne peut pas grand-chose contre l’usage, la légitimité et la dynamique sociales et historiques, qui en la matière sont du côté de la graphie latine.
Quelle évaluation faites-vous de l’institutionnalisation de tamazight (langue nationale puis officielle), la création du HCA et l’enseignement de la langue qui s’en est suivi ?
Bien sûr, il y a du positif dans toute cette évolution qui a commencé en 1990 et résulte essentiellement, rappelons-le, de la dynamique et de la pression sociale et non du «bon vouloir du pouvoir». Tamazight n’est plus frapp d’ostracisme et n’est plus objet d’une répression systématique. En même temps, il est clair que nous sommes encore très loin des conditions qui assureraient à la langue et à la culture berbères un plein épanouissement et la garantie de leur survie.
Un enseignement, facultatif, de trois heures hebdomadaires, dont la continuité n’est pas toujours assurée dans le cycle scolaire, n’est certainement pas une configuration qui permettra la consolidation d’une langue à large échelle, surtout quand il s’agit d’une langue minoritaire, historiquement dévalorisée et longtemps confinée dans l’oralité et la ruralité. Nous sommes en réalité encore dans des mesures «cosmétiques» : si l’on veut que le berbère puisse résister et se développer face à la pression permanente de l’arabe (classique et dialectal), du français, omniprésente dans le quotidien comme dans les sphères d’usages «élaborés» (justice, administration, sciences et technologies, économie…), cela suppose des mesures lourdes, au minimum un enseignement bilingue généralisé.
L’exemple parfaitement documenté d’autres langues minoritaires (catalan, basque, breton, corse…) est là pour nous rappeler que face au rouleau compresseur des «grandes langues dominantes», nos «petites langues» ne peuvent trouver leur salut que dans des mesures de «protectionnisme linguistique» assez radicales. Sinon, on en reste au symbole, au mieux à la conservation patrimoniale et muséographique.
Comme voyez-vous l’avenir du combat pour le tamazight ? Dans le cadre de l’Etat centralisé ou dans un cadre autonomiste ou indépendantiste, comme le revendiquent certains ?
Ma réponse à votre question est implicitement dans mes propos précédents. Je ne crois pas que tamazight et l’amazighité puissent s’épanouir et même survivre dans le cadre d’un Etat centralisé qui se définit, historiquement, idéologiquement, constitutionnellement… comme arabo-muslman.
Comme je l’ai dit et écrit à plusieurs reprises, dans un tel cadre, le berbère est condamné à la disparition, au mieux à la conservation patrimoniale et muséographique. La seule possibilité pour que le berbère survive et que les Berbères puissent exister durablement en tant qu’entités ethnolinguistiques spécifiques est que leur droit à cette identité et à cette langue leur soient expressément garantis par un ensemble de protections politico-juridiques : concrètement, cela s’appelle l’autonomie, le fédéralisme…
Même si, bien sûr, il ne m’appartient pas d’en définir les formes exactes. Là-dessus, je suis parfaitement clair depuis au moins 1995 : dans le cadre des Etats nations maghrébins tels qu’ils ont été définis au XXe siècle, les Berbères/le berbère sont condamnés à la régression et une lente disparition «par dilution dans le creuset arabo-islamique»…
Au mieux, on préservera quelques grands monuments littéraires (Si Mohand…) et quelques belles statues et stèles dans les musées. Comme je vis en Provence, je vous rappellerai que Frédéric Mistral, le grand écrivain provençal, a obtenu le prix Nobel de littérature en 1904. Que reste-t-il de l’occitan et du provençal ? Un certain folklore et un accent…

Salem Chaker

Après avoir exercé une dizaine d’années à l’université d’Alger (1973-1981) et à Aix-en-Provence (1981-1989), Salem Chaker devient professeur de langue berbère à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) de Paris jusqu’en 2008. Il a créé en 1990 le Centre de recherche berbère André Basset  (Inalco) qu’il dirige jusqu’en 2009 avant de rejoindre l’Institut de recherches sur les mondes arabe et musulman d’Aix-en-Provence.
Professeur des universités (langue berbère), université d’Aix-Marseille, Salem Chaker est depuis 2002 directeur de l’Encyclopédie berbère. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et de nombreuses études de linguistique et sociolinguistique berbères.
 
Mahmoud Mamart

Aseggas Ameggaz 2968 à tous les Algériens

Loin du folklore...

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le 12.01.18 | 12h00 Réagissez
 
	Les festivités de Yennayer, cette année, se font sous le sceau d’une certaine constitutionnalité...
Les festivités de Yennayer, cette année, se font sous le...

Le 27 décembre 2017, c’est le même président qui avait, en 1999, décidé de l’impossibilité de l’officialisation de tamazight et qui annonce que Yennayer est désormais une journée «chômée payée».

«Cette mesure, comme toutes celles déjà prises au profit de notre identité nationale dans sa triple composante, islamique, arabe et amazighe, confortera l’unité et la stabilité nationales, alors que des défis multiples internes et régionaux nous interpellent», avait souligné le président Bouteflika.
Une demande tant revendiquée, même s’il s’agit d’une journée célébrée mais sans statut officiel, car il lui manquait cette grande reconnaissance. C’est une reconnaissance, comme en témoigne dans cette édition Azzeddine Kinzi, anthropologue : «En tant que l’un des fondateurs de l’identité de l’Etat-Nation qui est devenu l’Algérie après l’indépendance».
Aujourd’hui, première année de la célébration de Yennayer d’une manière officielle, on s’accorde enfin à dire qu’il s’agit de l’aboutissement du long combat pour la culture, l’identité et la langue amazighes. Loin du folklore que certains veulent imposer aujourd’hui à cette journée, cette reconnaissance doit, en principe, «réconcilier» le peuple algérien et son histoire.
Le gouvernement est aussi instruit de ne «ménager aucun effort pour la généralisation de l’enseignement et de l’usage de tamazight, conformément à la lettre et à l’esprit de la Constitution» (voir infographie). Aujourd’hui, nous avons choisi de consacrer toute l’édition à cet événement dans son esprit identitaire et historique et retracer avec nos intervenants le combat de l’amazighité et ce qui reste à faire comme l’installation de l’Académie berbère.
D’abord, Mohand-Akli Haddadou, professeur de linguistique amazighe et écrivain expliquera dans le détail le calendrier amazigh, puis Azzeddine Kinzi revient dans un entretien sur l’urgence de mettre en place un plan pour la généralisation de l’enseignement de la langue amazighe et aussi le long travail de concrétisation sur le terrain. Hend Sadi, auteur, qui dit que tamazight attend toujours pour savoir de quel Etat il est langue officielle, explique aussi dans un entretien qu’il ne reste que le mode de décentralisation pour régler le problème dans les régions où l’aspiration à l’amazighité a un ancrage populaire.
Salem Chaker, linguiste berbère, affiche son inquiétude sur la création de l’Académie berbère en disant qu’on peut craindre que ce soit encore une mesure dont la finalité principale sera de reprendre ou essayer de reprendre le contrôle d’un champ qui a longtemps échappé à l’Etat.
Nous avons aussi donné la parole à Ramdan Achab, éditeur et enseignant, qui a décortiqué certains aspects de la langue, Arab Aknin qui traite de la question de l’Académie berbère et Arezki Aïtali qui revient sur le combat identitaire du Printemps noir. En page 11, vous pouvez lire le reportage de notre correspondant à Beni Snous, où un grand carnaval est organisé chaque Yennayer.
Nassima Oulebsir

Célébration officielle de Yennayer

L’aboutissement d’un long combat

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le 11.01.18 | 12h00 Réagissez

Les militants de la cause amazighe sous le régime du parti unique ont connu les pires sévices dans les bagnes et les plus insupportables des  persécutions pour avoir revendiqué le droit de vivre leur identité.

Du sang, des larmes et une profonde déchirure identitaire pour se réapproprier la langue, la culture et la civilisation amazighes, pourtant profondément enracinées dans l’histoire millénaire de toute l’Afrique du Nord. Ce qui devait être une identité naturellement admise par l’Etat et la nation, tamazight a depuis l’indépendance de l’Algérie été ostracisée, exclue et bannie. Les militants de la cause amazighe sous le régime du parti unique ont connu les pires sévices dans les bagnes et les plus insupportables des persécutions pour avoir revendiqué le droit de vivre leur identité.
Le choix d’imposer par le pouvoir politique à l’Algérie une identité idéologique exclusive en arrimant le pays à une nation arabo-islamique s’est accompagné d’un travail d’effacement de toute référence à l’histoire pré-islamique. Un choix qui va provoquer un déchirement de l’Algérie naissante avec ses réalités culturelles, identitaires et historiques. Une rupture avec elle-même. «L’unité de la nation arabe est une étendue idéologique, une construction abstraite qui va nier les réalités culturelles, les mémoires historiques et collectives», ne cessait de rappeler le penseur Mohamed Arkoun.
S’inscrivant dans un double rejet de l’autoritarisme et de son idéologie, des premiers noyaux de militants politiques s’organisent autour du chercheur Mouloud Mammeri et au sein de l’Académie berbère à Paris. Les militants du FFS vont tenter de réactiver le parti — frappé de clandestinité — et s’emparer également de la question identitaire. Des dynamiques naissantes bravant la dictature du parti unique vont converger pour aboutir à la grande mobilisation du Printemps berbère d’avril 1980.
Pour la première fois depuis l’indépendance, le pouvoir et sa construction idéologique sont défiés publiquement, ce qui va briser la chape de plomb de l’autoritarisme. S’ensuit une longue résistance militante avec son lot de privation de liberté et de calomnies sans pour autant annihiler l’élan militant. C’est dans la répression des militants du Mouvement culturel berbère(MCB) que la question amazighe va s’affirmer comme composante centrale de l’identité algérienne. Le refus obstiné du pouvoir politique à reconnaître le fait amazigh va conduire à de lourds malentendus culturels.
Le pouvoir a de tout temps fomenté et alimenté les clivages en opposant une partie de la population à une autre accusée de séparatisme et de division pour disqualifier la revendication des Amazighs. Les militants du MCB, qui devaient batailler sur plusieurs fronts pour cette cause et avec intelligence, avaient su formuler un projet complet et cohérent mettant en avant la diversité culturelle et linguistique de l’Algérie, comme le montre toute la littérature du mouvement berbère.
A l’unicité de la pensée, de la langue, de la religion et de la culture, le Mouvement culturel berbère oppose au pouvoir une diversité qui constitue la richesse du pays. Dans la difficulté extrême, les militants du MCB vont pouvoir, pas à pas, ramener l’Algérie dans son giron historique et identitaire naturel, forçant le pouvoir politique a admettre timidement la question de l'identité amazighe.
L’instauration du pluralisme politique a constitué une brèche pour la question amazighe, qui pour la première fois sera admise dans le milieu universitaire avec l'institution de deux instituts de langue et culture amazighes à l’université de Tizi Ouzou et celle de Béjaïa au lendemain d’une marche mémorable le 25 janvier 1990.
Largement insuffisant. D’autres batailles vont être menées, on peut citer notamment l’historique mouvement du boycott scolaire pour l’enseignement de la langue amazighe. Dès le départ, le mouvement amazigh va forger une conscience non seulement identitaire mais aussi politique.
La revendication identitaire est posée dans le cadre d’une vision globale de l’Algérie. Elle est consubstantiellement liée à la démocratisation de l’Etat. De retour au pouvoir en 1999, Abdelaziz Bouteflika va violemment exacerber les tensions identitaires avec son refus absolu de l’inscription de tamazight dans la Constitution du pays. «Tant que je serai là, tamazight ne sera jamais langue nationale et officielle», avait-il lancé avec mépris.
Les tragiques événements de 2001, dont l’assassinat de 126 jeunes en Kabylie, vont le contraindre à reconnaître tamazight comme deuxième langue nationale en 2002. Quatorze ans après, elle sera officielle dans le cadre d’une révision constitutionnelle de 2016, pour aboutir fin 2017 à la reconnaissance de Yennayer comme «Journée nationale chômée et payée».
Des reconnaissances officielles arrachées de haute lutte. Jamais octroyées. Le pouvoir politique cède souvent sous la pression des événements malheureux. Avec la célébration de Yennayer, les autorités politiques pensent régler «leurs problèmes avec la Kabylie» et «s’assurer la paix avec cette région». Une erreur d’analyse. Faut-il rappeler que la question amazighe est au cœur de la revendication démocratique. «Non à la dictature même avec thamazight» était le mot d’ordre de militants de la cause amazighe.
 
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